Strasbourg, 2 septembre 2008

ACFC/OP/II(2008)002

COMITE CONSULTATIF DE LA CONVENTION-CADRE POUR LA PROTECTION DES MINORITES NATIONALES

Deuxième avis sur la Suisse, adopté le 29 février 2008

RESUME

La protection des personnes appartenant à des minorités linguistiques est hautement développée en Suisse du fait des arrangements institutionnels et du système fédéral, qui garantissent à ces personnes une participation effective à tous les niveaux. Ces dernières années, des réformes constitutionnelles majeures ont eu lieu dans plusieurs cantons et de nouvelles lois cantonales et fédérales importantes ont été adoptées. De ce fait, la sécurité juridique a été renforcée en ce qui concerne l’emploi des langues dans des contextes officiels. L’italien et le romanche, notamment, ont bénéficié d’une protection accrue grâce à la promulgation d’une législation de large portée au niveau fédéral et dans le canton des Grisons. Il faut maintenant mettre l’accent sur la mise en œuvre de ces nouvelles garanties.

La rigueur budgétaire, généralisée dans le secteur public, a eu des effets négatifs sur les institutions assurant la promotion des droits de l’homme et des droits des minorités, et les discussions sur la création éventuelle d’un Bureau de Médiateur ou d’une institution des droits de l’homme indépendante n’ont pas encore donné de résultats concrets.

Bien que la langue d’instruction et l’enseignement des langues nationales soient étroitement liés à la répartition territoriale traditionnelle des langues, des efforts louables ont été accomplis en vue d’un développement intercantonal coordonné de l’enseignement des langues dans le cycle de la scolarité obligatoire. Cela devrait favoriser l’acquisition de compétences linguistiques à un plus jeune âge dans tous les cantons et garantir que le développement de l’enseignement de l’anglais ne se fasse pas au détriment des langues nationales. Néanmoins, la situation générale des locuteurs d’italien ou de romanche vivant en dehors de leurs zones d’implantation traditionnelle ne s’est pas sensiblement améliorée pour ce qui est de l’accès à l’enseignement des langues ou des possibilités de bénéficier d’un soutien culturel et linguistique.

Le développement de l’usage quotidien de l’italien et du romanche dans des contextes officiels est essentiel pour que le canton des Grisons conserve son identité et ceci représente toujours un défi. Dans ce contexte, la nouvelle loi sur les langues devrait aider les autorités et les minorités linguistiques concernées à garantir que ces langues bénéficient dans les faits d’un statut égal à celui de l’allemand, comme le prescrit la Constitution cantonale.

Un rapport Gouvernemental a été adopté en 2006 sur la situation des gens du voyage en Suisse : c’était la première fois qu’on s’efforçait de s’attaquer au problème d’une manière globale. Cependant, les gens du voyage continuent de faire face à de nombreux problèmes en Suisse, et la préservation de leur identité est en jeu dans la mesure où beaucoup d’entre eux se heurtent à des difficultés croissantes pour pratiquer leur mode de vie itinérant ou semiitinérant. Il faut donc intensifier les efforts afin d’obtenir des cantons qu’ils créent à titre prioritaire de nouvelles aires de transit et de stationnement. Il est également possible d’améliorer la participation des gens du voyage à la prise des décisions, surtout aux niveaux cantonal et local.

TABLE DES MATIERES

I. PRINCIPAUX CONSTATS .................................................................................................. 4 Procédure de suivi .......................................................................................................................... 4 Cadre institutionnel et législatif ..................................................................................................... 4 Discrimination................................................................................................................................ 5 Relations interethniques ................................................................................................................. 5 Education........................................................................................................................................ 6 Préservation de l’identité des gens du voyage ............................................................................... 6 Participation ................................................................................................................................... 7

II. CONSTATS ARTICLE PAR ARTICLE............................................................................... 8 Article 3 de la Convention-cadre ................................................................................................... 8 Article 4 de la Convention-cadre ................................................................................................. 10 Article 5 de la Convention-cadre ................................................................................................. 12 Article 6 de la Convention-cadre ................................................................................................. 20 Article 9 de la Convention-cadre ................................................................................................. 23 Article 10 de la Convention-cadre ............................................................................................... 25 Article 11 de la Convention-cadre ............................................................................................... 29 Article 12 de la Convention-cadre ............................................................................................... 29 Article 13 de la Convention-cadre ............................................................................................... 32 Article 14 de la Convention-cadre ............................................................................................... 33 Article 15 de la Convention-cadre ............................................................................................... 37 Articles 17 et 18 de la Convention-cadre ..................................................................................... 40

III. REMARQUES CONCLUSIVES..................................................................................... 41 Evolutions positives ..................................................................................................................... 41 Sujets de préoccupation................................................................................................................ 41 Recommandations ........................................................................................................................ 42

COMITE CONSULTATIF DE LA CONVENTION-CADRE POUR LA PROTECTION

DES MINORITES NATIONALES

DEUXIEME AVIS SUR LA SUISSE

  1. Le Comité consultatif a adopté le présent avis le 29 février 2008, conformément à l’article 26 (1) de la Convention-cadre et à la règle 23 de la résolution (97) 10 du Comité des Ministres. Les conclusions sont basées sur les informations figurant dans le Rapport étatique (ciaprès dénommé « rapport étatique ») reçu le 31 janvier 2008, d’autres sources écrites ainsi que les informations obtenues par le Comité consultatif à la suite de contacts Gouvernementaux et non Gouvernementaux lors de sa visite à Berne et Fribourg du 19 au 21 novembre 2007.

  2. Le chapitre I ci-après contient les principaux constats du Comité consultatif sur les questions essentielles relatives à la mise en œuvre de la Convention-cadre en Suisse. Ils correspondent aux constats article par article plus détaillés figurant au chapitre II, lequel porte sur les dispositions de la Convention-cadre au sujet desquelles le Comité consultatif a des questions de fond à soulever.

  3. Ces deux chapitres font fréquemment référence aux suites données aux constats du premier cycle de suivi de la Convention-cadre, contenus dans le premier avis du Comité consultatif sur la Suisse adopté le 20 février 2003 et dans la Résolution du Comité des Ministres adoptée le 10 décembre 2003.

  4. Les remarques conclusives figurant au chapitre III pourraient servir de base aux prochaines conclusions et recommandations du Comité des Ministres relatives à la Suisse.

  5. Le Comité consultatif se réjouit de poursuivre son dialogue avec les autorités suisses et avec les représentants des minorités nationales et autres acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la Convention-cadre. Il encourage vivement les autorités à publier le présent avis dès sa réception, afin de promouvoir un processus transparent permettant l’implication de l’ensemble des acteurs concernés.

I. PRINCIPAUX CONSTATS

Procédure de suivi

  1. La Suisse a poursuivi son approche constructive à l’égard du processus de suivi de la Convention-cadre. À l’initiative du Gouvernement, le premier avis du Comité consultatif a été rendu public avant l’adoption de la Résolution correspondante par le Comité des Ministres. Les résultats du suivi ont été ensuite communiqués aux représentants des minorités, aux autorités cantonales et aux acteurs de la société civile, notamment par l’intermédiaire de l’Internet. Les autorités fédérales ont traduit le texte du premier avis en allemand et en italien. Bien que le deuxième rapport ait été soumis avec un retard regrettable de deux ans, il a été soigneusement élaboré, avec la participation d’un large éventail d’acteurs, y compris des représentants des minorités et des ONG.

  2. Les conclusions du suivi de la Convention-cadre sont également mentionnées dans le Rapport sur la situation des gens du voyage en Suisse, que le Gouvernement a adopté en octobre 2006. Ce rapport contient des commentaires critiques et des propositions visant à améliorer la situation des gens du voyage en Suisse, en particulier pour ce qui concerne les aires de stationnement et de transit. Bien que les mesures proposées dans le rapport ne suffisent peutêtre pas à corriger la situation des gens du voyage, le rapport en soi et les suites qui lui ont été données représentent un progrès significatif en ce qu’ils reconnaissent la gravité des problèmes auxquels font face les gens du voyage et en ce qu’ils expriment une volonté ferme de les résoudre.

  3. Il y a eu des carences dans les efforts de sensibilisation des autorités au sujet de la Convention-cadre, y compris l’absence de séminaire de suivi. En outre, exception faite du cas des gens du voyage, les autorités semblent s’être peu servies de la Convention-cadre et des résultats de son suivi pour s’attaquer aux problèmes des personnes appartenant à des minorités.

Cadre institutionnel et législatif

  1. Ces dernières années, des réformes constitutionnelles majeures ont eu lieu dans plusieurs cantons, et de nouvelles lois fédérales et cantonales importantes ont été adoptées. De ce fait, le cadre institutionnel et législatif qui protège les personnes appartenant à des minorités s’est trouvé consolidé et la sécurité juridique a été renforcée pour ce qui est de l’emploi des langues. L’italien et le romanche, en particulier, sont mieux protégés du fait de la promulgation d’une législation de large portée au niveau fédéral et dans le canton des Grisons. Bien que la Suisse continue d’attacher une importance particulière à la répartition traditionnelle de ses langues, le principe de la territorialité est maintenant appliqué de manière plus pragmatique, au moins le long de la frontière linguistique dans les cantons de Fribourg, Berne et du Valais.

  2. D’importants efforts s’imposent pour que soient mises en œuvre avec succès les garanties inscrites dans la nouvelle législation, notamment celles de la loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques ; ce texte législatif devrait rendre possible l’instauration de nouvelles formes de soutien pour les initiatives culturelles et linguistiques, notamment en ce qui concerne les recherches sur le multilinguisme et sa promotion au-delà de frontières linguistiques existantes. La situation des locuteurs d’italien et de romanche vivant en dehors de leurs zones d’implantation traditionnelles ne s’est pas sensiblement améliorée pour ce qui est de la possibilité de jouir d’un soutien culturel et linguistique, et plus précisément en termes d’accès à l’enseignement des langues.

  3. Malgré ces résultats importants, on ne note aucune amélioration d’ordre législatif concernant les gens du voyage. Des discussions se sont poursuivies concernant l’inclusion d’une disposition dans le projet de loi sur la promotion de la culture pour aider les gens du voyage à vivre conformément à leur culture mais, à ce jour, elles n’ont pas abouti. En dépit de demandes répétées de la part des intéressés, il n’est pas envisagé d’introduire des garanties législatives complémentaires – y compris dans le domaine de l’aménagement du territoire – pour créer de nouvelles aires de transit et faciliter le stationnement des gens du voyage pour de courts séjours.

Discrimination

  1. La Suisse a continué à compléter sa législation sectorielle en y ajoutant des clauses de non-discrimination en tant que de besoin. Les autorités n’envisagent cependant pas d’élaborer une législation anti-discrimination complète, et le manque de dispositions spécifiques interdisant la discrimination persiste dans certains domaines clés, tels que le logement, l’emploi, l’accès aux lieux publics et la fourniture de services. Les statistiques et les travaux de recherches sur la fréquence des actes discriminatoires dans la pratique sont encore rares, surtout dans les domaines qui ne sont pas couverts par la législation anti-discrimination sectorielle.

  2. S’agissant du cadre institutionnel de la lutte contre la discrimination, des développements récents laissent à penser que la situation s’est dégradée. Par exemple, bien que la Commission fédérale contre le racisme ait joué un rôle unique et obtenu des résultats dans la lutte contre la xénophobie, l’intolérance et la discrimination raciale, ses moyens budgétaires annuels et sa composition ont été considérablement réduits, ce qui va sans doute freiner ses activités opérationnelles et réduire la représentation des ONG en son sein, de même que la diversité religieuse parmi ses membres. D’une manière plus générale, les mesures d’économie budgétaire linéaires prises dans le secteur public semblent toucher indistinctement les institutions assurant la promotion des droits de l’homme et des droits des minorités – surtout les institutions des gens du voyage –, en dépit des engagements internationaux pris par la Suisse en la matière. De la même manière, les discussions sur la création éventuelle d’un Bureau de Médiateur et/ou d’une institution des droits de l’homme indépendante n’ont pas encore abouti, compte tenu notamment des incidences budgétaires de ce genre de projet.

Relations interethniques

  1. Un niveau de tolérance remarquable a continué à caractériser les rapports entre locuteurs d’allemand, de français, d’italien et de romanche. Les efforts visant à renforcer la tolérance entre les populations sédentaires et les gens du voyage se sont poursuivis, et la nécessité de promouvoir la compréhension mutuelle a été particulièrement soulignée dans le louable rapport sur la situation des gens du voyage que le Gouvernement a adopté en 2006. Malgré ces efforts et ces résultats, les gens du voyage font encore l’objet de stéréotypes négatifs, y compris dans les médias. Bien que la situation des personnes appartenant à la communauté juive soit généralement considérée comme positive, en particulier en termes d’intégration, on signale qu’elles sont les victimes les plus fréquentes de discrimination raciale.

  2. Des manifestations de racisme, de xénophobie et d’intolérance, en particulier à l’égard des requérants d’asile, des réfugiés, de certains groupes d’étrangers et des musulmans, continuent d’être signalées, y compris par des organes du Conseil de l’Europe. Dans certains cas, ces groupes ont été stigmatisés dans le discours politique, y compris pendant la campagne électorale de 2007. En attendant l’entrée en vigueur de l’amendement récemment adopté à la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité, des exemples ponctuels de refus

déraisonnable ou non motivés de naturalisation, surtout aux dépens de personnes originaires des Balkans ou de musulmans, continuent d’être signalés.

Education

  1. Le développement coordonné de l’enseignement des langues dans l’éducation obligatoire a fait des progrès sensibles. Il vise à encourager la maîtrise des langues à un âge précoce dans tous les cantons et tout en garantissant que le développement de l’enseignement de l’anglais ne se fasse pas aux dépens de l’apprentissage des langues nationales. Gardant à l’esprit le fait que la langue d’instruction et l’enseignement des langues nationales sont liés à la répartition traditionnelle des langues, il y aurait six cantons n’offrant pas de cours facultatifs d’italien avant la fin de l’enseignement obligatoire. Il faudrait donc envisager d’augmenter l’offre existante de cours facultatifs d’italien, ce qui permettrait de mieux répondre aux besoins de la minorité italophone, notamment dans les grandes villes où vivent de nombreux locuteurs d’italien. À cet égard, il est nécessaire de collecter des statistiques plus fiables et comparables, y compris sur la disponibilité des cours de langue, tels que les cours d’italien en dehors des cantons du Tessin et des Grisons, et leur utilisation en pratique.

  2. La nouvelle loi cantonale grisonne sur les langues renforce sensiblement la position de l’italien et du romanche dans le domaine de l’enseignement, notamment dans les municipalités où ces langues sont menacées. Il faut continuer de faire en sorte que ces garanties législatives soient mises en application par le biais d’un dialogue permanent entre les autorités cantonales et municipales, compte tenu de la situation générale des langues dans les Grisons.

  3. Gardant à l’esprit la difficulté de concilier – au sein même de la communauté yéniche – les intérêts de ceux qui souhaitent employer leur langue uniquement pour communiquer entre eux avec les intérêts de ceux qui sont favorables à ce que cette langue bénéficie d’une politique culturelle plus large dans le domaine de l’enseignement, il faut que la Confédération poursuive ses efforts tendant à promouvoir le yéniche en étroite collaboration avec les différents représentants de cette communauté.

Préservation de l’identité des gens du voyage

  1. Le Conseil consultatif se réjouit des développements positifs enregistrés depuis le premier cycle d’évaluation. En 2006, par exemple, le Gouvernement a fait pour la première fois de gros efforts afin d’aborder de manière globale la situation des gens du voyage dans son rapport sur la situation des gens du voyage en Suisse. De plus, dans un jugement important, le Tribunal fédéral a reconnu pour la première fois que la vie en caravane était un élément essentiel de l’identité des gens du voyage, dont les besoins diffèrent de ceux de la population sédentaire. Des progrès sensibles ont été observés depuis l’entrée en vigueur de la loi fédérale de 2003 sur le commerce itinérant, qui facilite considérablement l’exercice des activités traditionnelles associées au mode de vie nomade des gens du voyage.

  2. Malgré ces résultats positifs, le Conseil consultatif estime que la situation d’ensemble des gens du voyage en Suisse reste un sujet de vive préoccupation. La préservation de leur identité est en jeu puisqu’ils sont nombreux à avoir de plus en plus de difficultés à pratiquer leur mode de vie itinérant ou semi-itinérant. Le manque d’aires de stationnement et de transit reste criant en Suisse et leur nombre a même diminué depuis le premier cycle d’évaluation, bien que leurs besoins aient été reconnus dans ce domaine. Jusqu’à présent, les cantons n’ont guère donné suite à l’important arrêt susmentionné du Tribunal fédéral. Dans plusieurs cantons, les propositions de création de nouvelles aires ont été gelées ou retirées devant les réactions négatives des

municipalités concernées, d’une partie de la population locale et (ou) de divers groupes de pression. Les mesures fédérales, telle la réaffectation de terrains militaires appartenant à la Confédération, n’ont pas donné de résultats tangibles jusqu’à présent, faute d’incitations financières ou juridiques suffisantes. Une coordination véritable des efforts au niveau intercantonal, épaulée par le soutien actif de la Confédération, reste à développer dans ce domaine.

Participation

  1. Il faut garder constamment à l’esprit la nécessité de garantir une plus grande représentation latine1 au sein de l’administration fédérale. Cela vaut particulièrement pour le recrutement à tous les niveaux de francophones, d’italophones et de locuteurs de romanche, car il faut arriver à une représentation équitable des minorités linguistiques dans les Offices fédéraux, tant au niveau des postes de cadres que pour l’ensemble des agents. Or, il existe à cet égard un manque de données qualitatives fiables concernant la représentation des minorités latines aux postes de direction des divers Départements et Offices fédéraux, et il importe d’y remédier.

  2. Les mécanismes de participation des gens du voyage devraient être améliorés. Quoique la Fondation « Pour l’Avenir des gens du voyage suisses » et l’Association des gens du voyage se soient révélées utiles en tant que canaux de communication avec les autorités fédérales, il est possible de renforcer ces institutions et d’envisager d’en créer d’autres au niveau cantonal. Ainsi, les autorités sont invitées à élargir les compétences de la Fondation et à renforcer la position des gens du voyage, actuellement en minorité, dans son conseil d’administration. Il faut aussi consolider la structure financière de la Fondation et de l’Association des gens du voyage, qui ont toutes deux souffert de coupes budgétaires opérées ces dernières années. Malgré les efforts louables de la Fondation tendant à coordonner les efforts qui ont pour but de répondre aux besoins d’aires de transit et de stationnement des gens du voyage, on observe un manque de coordination évident au niveau des cantons, ainsi que l’absence d’un forum institutionnel de prise de décision dans lequel ces questions pourraient être examinées périodiquement. Ni au niveau cantonal, ni au niveau municipal il n’existe de mécanisme spécifique permettant de consulter de façon systématique les gens du voyage, par exemple en matière d’aménagement du territoire ou d’enseignement.

1 Cette expression englobe les personnes appartenant aux minorités francophone, italophone et romanche.

II. CONSTATS ARTICLE PAR ARTICLE

Article 3 de la Convention-cadre

Définition de l’expression « minorités nationales »

Constats du premier cycle

23. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait que les autorités avaient formulé une déclaration2 au moment de la ratification de la Convention-cadre et se félicitait du fait que le principe de territorialité ne conduise pas à refuser le statut de personne appartenant à une minorité nationale aux individus vivant en dehors de leur zone d’implantation traditionnelle3. Par ailleurs, il encourageait les autorités à ne pas interpréter leur déclaration de manière trop rigide afin de mieux répondre, notamment, aux besoins des locuteurs d’italien et de romanche ayant quitté leurs zones d’implantation traditionnelle.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Comme le Gouvernement l’a fait remarquer dans le rapport étatique, la déclaration inclut une définition ouverte, ce qui rend possible un processus dynamique qui pourrait permettre de protéger les personnes appartenant à d’autres groupes pour autant qu'elles répondent aux critères définis dans la déclaration. Selon les autorités, cela pourrait être le cas pour les citoyens suisses appartenant à d’autres communautés religieuses, comme les musulmans4.

  2. Il ressort de la jurisprudence interne et des pratiques relevées que ces dernières années, les autorités ont accordé plus facilement aux élèves l’autorisation de suivre un enseignement primaire dans une langue minoritaire qui n’est pas la langue officielle de leur commune de résidence. Cela montre que, bien que la Suisse continue d’attacher une grande importance à la répartition territoriale traditionnelle des langues, le principe de territorialité est maintenant appliqué de façon plus pragmatique, du moins à la frontière linguistique dans les cantons de Fribourg, de Berne et du Valais (voir commentaires concernant les articles 5 et 14 ci-dessous).

2 « La Suisse déclare que constituent en Suisse des minorités nationales au sens de la présente Convention-cadre, les groupes de personnes qui sont numériquement inférieurs au restant de la population du pays ou d'un canton, sont de nationalité suisse, entretiennent des liens anciens, solides et durables avec la Suisse et sont animés de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue. La Suisse déclare que les dispositions de la Convention-cadre régissant l’usage de la langue dans les rapports entre particuliers et autorités administratives sont applicables sans préjudice des principes observés par la Confédération et les cantons dans la détermination des langues officielles ».3 Les autorités suisses considèrent que les personnes appartenant aux minorités linguistiques nationales, c’est-à-dire les minorités parlant le français, l’italien et le romanche, sont protégées au titre de la Convention-cadre, et que les personnes appartenant à la minorité germanophone résidant dans certains cantons, comme Fribourg ou le Valais, peuvent également être protégées par la Convention-cadre puisqu’elles sont en minorité numérique. Elles considèrent également qu’une telle protection est ouverte aux personnes appartenant à la communauté juive ainsi qu’aux gens du voyage. Lors du recensement de 2000, 63,7% des personnes ont déclaré que leur langue principale était l’allemand, 20,4% le français, 6,5% l’italien, 0,5% le romanche et 9% une autre langue. En revanche, il n’existe pas de statistiques officielles concernant les personnes appartenant à la communauté des gens du voyage, mais les autorités estiment leur nombre entre 25 000 et 30 000, y compris 4-5 000 ayant gardé un mode de vie itinérant ou semi-itinérant. Les estimations avancées par les gens du voyage eux-mêmes ne dépassent que très légèrement ces chiffres. 4 D'après le recensement de 2000, les catholiques représentaient 41,8% de la population, les protestants 35,3%, les musulmans 4,3%, les chrétiens orthodoxes 1,8%, les juifs 0,2%, les catholiques chrétiens 0,2% et les autres, y compris les non déclarés, 16,4%.

b) Questions non résolues

26. Tandis que la situation s’est améliorée à la frontière linguistique pour les germanophones et les francophones, la situation est restée inchangée pour les locuteurs d’italien et de romanche qui ont quitté leurs zones d’implantation traditionnelle dans les cantons du Tessin et des Grisons pour saisir des opportunités de formation ou d’emploi dans les grandes villes situées au nord des Alpes comme Zurich, Berne ou Genève. Les possibilités de suivre des cours d’italien et de romanche dans l’enseignement public sont encore limitées, même dans les grandes villes où la population parlant l’italien et/ou le romanche est plus importante (voir commentaires relatifs à l’article 14 ci-dessous).

Recommandation

27. Les autorités devraient poursuivre leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes appartenant aux minorités linguistiques, même en dehors de leurs zones d’implantation traditionnelle. Dans ce contexte, elles sont invitées à accorder une attention accrue à la situation des locuteurs d’italien et de romanche vivant dans les grandes villes, notamment en matière d’éducation.

Critère de la citoyenneté

Constats du premier cycle

28. Dans son premier avis, le Comité consultatif encourageait les autorités à envisager d’inclure les personnes appartenant à d’autres groupes, y compris les non-ressortissants le cas échéant, dans l’application de la Convention-cadre article par article.

Situation actuelle

  1. Comme le Gouvernement l’a fait remarquer dans le rapport étatique, cela a déjà été fait en partie en Suisse. Rappelant que la déclaration reste très stricte car elle exclut littéralement tous les étrangers d’une quelconque protection, le Comité consultatif note avec satisfaction que les autorités acceptent que certains droits, tels que ceux énoncés aux articles 8, 9(1) et 10(1) de la Convention-cadre, soient garantis en tant que minimum aux non-ressortissants qui ne sont pas considérés comme appartenant aux minorités nationales au sens de la déclaration suisse.

  2. Le Comité consultatif se félicite de ce que, en dépit de l’ancrage explicite du critère de citoyenneté dans la déclaration suisse, les autorités fédérales et cantonales compétentes adoptent dans la pratique une approche qui inclut le plus grand nombre de personnes en ce qui concerne les efforts visant à mettre à disposition un nombre croissant d’aires de stationnement et de transit en faveur des gens du voyage : il semble qu’un certain nombre de Roms étrangers bénéficient de ces installations et que les autorités prennent effectivement en compte leurs besoins spécifiques en la matière, besoins qui diffèrent dans une large mesure de ceux des gens du voyage suisses (voir commentaires relatifs à l’article 5 ci-dessous).

Recommandations

  1. Les autorités pourraient intensifier leur dialogue avec les personnes appartenant aux groupes qui ne sont pas couverts par la déclaration suisse. A ce propos, le Comité consultatif fait remarquer que les Etats parties sont tenus de promouvoir le respect et la compréhension mutuels, ainsi que la coopération entre toutes les personnes vivant sur leur territoire.

  2. Les autorités devraient poursuivre une approche de plus en plus ouverte dans la législation, les politiques et pratiques relatives au critère de citoyenneté, notamment lorsqu’elles examinent les problèmes touchant les gens du voyage.

Article 4 de la Convention-cadre

Evolutions législatives dans le domaine de la discrimination

Constats du premier cycle

33. Dans son premier avis, le Comité consultatif encourageait les autorités suisses à envisager l’adoption d’une législation plus complète contre la discrimination et à recueillir plus systématiquement des données statistiques en matière de discrimination.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

    1. Les autorités fédérales ont continué à compléter la législation sectorielle par des dispositions relatives à la non-discrimination lorsqu’elles l’ont jugé approprié. Le suivi de la mise en œuvre de l’article 261bis du Code pénal, qui interdit la « discrimination raciale », a continué : des statistiques détaillées et publiques peuvent être obtenues aisément par le biais d’une base de données régulièrement mise à jour par la Commission fédérale contre le racisme.

    2. b) Questions non résolues
  1. Gardant à l’esprit que les autorités n’ont pas l’intention d’élaborer une législation antidiscrimination complète et malgré l’existence de dispositions isolées en matière de lutte contre la discrimination, le Comité consultatif regrette l’absence persistante de dispositions spécifiques contre la discrimination dans certains domaines essentiels, comme le logement, l’emploi, l’accès aux lieux publics et la prestation de services5.

  2. A l’exception des dispositions pénales, les statistiques officielles et les travaux de recherche sur la fréquence des actes discriminatoires dans la pratique restent rares. Des données complémentaires ventilées selon l’âge et le sexe seraient également nécessaires dans ce domaine, ainsi que dans celui de l’éducation et de la représentation au sein de la fonction publique, afin d’aider les autorités à mettre au point des mesures positives pour les personnes appartenant aux minorités (voir commentaires relatifs aux articles 14 et 15 ci-dessous).

  3. Il est justifié d’exprimer une préoccupation face aux discussions actuelles portant sur la suppression éventuelle de l’article 261bis du Code pénal ou sa possible modification en vue d’en atténuer la portée au motif que son application soulèverait des problèmes pratiques et pourrait quelquefois être difficile à concilier avec la liberté d’expression.

Recommandation

38. Les autorités devraient continuer à lutter fermement contre la discrimination raciale par le biais de dispositions pénales adéquates et à continuer de développer la législation antidiscrimination dans les domaines essentiels que sont le logement, l’emploi, l’accès aux lieux publics et la mise à disposition de services. La Suisse devrait également mettre en place des mesures plus élaborées pour assurer le suivi des développements dans ces domaines.

5 Voir troisième rapport sur la Suisse de la Commission européenne contre le racisme du 27 juin 2003, §§ 13-15.

Cadre institutionnel de lutte contre la discrimination

Constats du premier cycle

39. Dans son premier avis, le Comité consultatif se félicitait du rôle positif joué par la Commission fédérale contre le racisme et de la création d’un Service de lutte contre le racisme. Il priait instamment les autorités d’apporter tout le soutien nécessaire à ces organismes et d’examiner avec le plus grand soin les propositions soumises par ces institutions pour renforcer la lutte contre le racisme et l’intolérance.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. La Commission fédérale contre le racisme a continué à publier et à soutenir des travaux de recherches, des études et des documents écrits de qualité sur des thèmes tels que la réforme prévue des procédures de naturalisation, les amendements à la législation sur l’asile, le débat en cours sur l’article 261bis du Code pénal, la place des étrangers et des minorités ethniques dans les médias durant la campagne électorale de 2007, ou encore la situation des gens du voyage. Un représentant des gens du voyage a été nommé au sein de la Commission fédérale contre le racisme.

    1. Des propositions parlementaires ont été présentées depuis 2004 pour examiner la création d’un organisme des droits de l’homme indépendant au niveau fédéral et le Gouvernement étudie actuellement les moyens de développer ces propositions.

    2. b) Questions non résolues
  2. En dépit du rôle unique de la Commission fédérale contre le racisme et de sa contribution importante à la lutte contre la discrimination raciale et les différentes formes d’intolérance, son maintien est régulièrement remis en question, y compris au sein du Parlement. En janvier 2008, le Gouvernement a réformé la Commission en réduisant le nombre de ses membres de 19 à 15. Cette réduction a fait l’objet de critiques car elle est susceptible de réduire de manière significative la représentation des ONG et la diversité religieuse au sein de la Commission. En outre, son budget global a été réduit, passant de 176 000 CHF en 2007 à 155 000 CHF en 2008, une évolution regrettable qui est susceptible d’entraîner un affaiblissement de la capacité d’action de cet organisme.

  3. En février 2004, le Parlement a décidé d’interrompre les travaux qu’il projetait pour développer une loi fédérale relative à la création d’un Bureau de Médiateur, notamment au vu des implications financières d’une telle institution.

Recommandation

44. La Suisse devrait reconsidérer la tendance consistant à affaiblir les institutions et instruments existants pour la défense des droits de l’homme et la lutte contre la discrimination raciale. Au contraire, des efforts résolus devraient être déployés pour les renforcer, notamment par la création d’un organisme des droits de l’homme indépendant.

Situation en matière de discrimination et d’égalité

Constats du premier cycle

45. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait avec satisfaction l’existence d’une série de mesures positives destinées à promouvoir l’égalité pleine et effective – notamment en faveur des italophones et des romanches – dans des domaines tels que la langue, la culture et les médias. Il s’est montré vivement préoccupé par la discrimination indirecte touchant les gens du voyage en matière d’aménagement du territoire, de police des constructions et de réglementation du commerce et a demandé de nouvelles mesures dans ces domaines.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. La situation des personnes appartenant aux minorités linguistiques est restée inchangée et aucun cas de discrimination à l’égard de ces personnes n’a été signalé. De nombreuses mesures positives sont en place6 et pourraient être développées et soutenues par la nouvelle loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques.

    1. Le Comité consultatif se félicite de la publication, en octobre 2006, d’un rapport très complet préparé par le Gouvernement sur la situation des gens du voyage en Suisse. Ce rapport, qui a été soumis au Parlement pour examen, étudie de manière approfondie la situation actuelle des gens du voyage en Suisse et les différentes formes de discrimination auxquelles ils sont confrontés; il inclut des mesures nationales de lutte contre la discrimination et d’amélioration des conditions de vie des gens du voyage.

    2. b) Questions non résolues
  2. Les gens du voyage restent confrontés à de nombreux cas de discrimination dans la pratique, notamment en ce qui concerne les obstacles juridiques et administratifs les empêchant de stationner leurs caravanes pour pratiquer leur mode de vie itinérant. Malgré les mesures destinées à remédier à cet état de fait qui sont proposées dans le rapport Gouvernemental de 2006, aucune amélioration significative n’a été observée pour l’instant.

Recommandation

49. Une action plus résolue est nécessaire pour élaborer des mesures concrètes visant à surmonter les problèmes de discrimination persistants que rencontrent les gens du voyage, notamment en ce qui concerne leurs conditions d’habitation liées à leur mode de vie itinérant.

Article 5 de la Convention-cadre

Cadre juridique et institutionnel pour la protection des minorités

Constats du premier cycle

50. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait que la Constitution fédérale ne contenait aucune disposition spécifique protégeant les minorités en tant que telles, mais

6 De telles mesures ont été développées principalement dans les domaines de la langue et de la culture, mais également dans le domaine des médias, comme en témoigne la clé de répartition financière de la Société suisse de radiodiffusion (SSR) qui attribue un financement préférentiel provenant du produit de la redevance en faveur des programmes diffusés en français, en italien et en romanche.

reconnaissait que les minorités étaient protégées en grande partie par le système institutionnel et le fédéralisme, lequel permet aux cantons de répondre aux besoins spécifiques de leur population, notamment dans le domaine culturel. Il faisait en outre observer que l’existence d’un ensemble de dispositions constitutionnelles et légales importantes dans le domaine linguistique, tant au niveau fédéral que cantonal, garantissait un niveau de protection élevé aux personnes appartenant aux minorités linguistiques. Il considérait toutefois que le maintien du romanche et de l’italien dans le canton des Grisons était menacé et qu’une loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension devait encore être adoptée pour assurer la mise en œuvre pleine et entière de l’article 70 de la Constitution fédérale.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Le Comité consultatif se félicite de l’adoption, en octobre 2007, de la Loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques7. Etant donné qu’il n’a pas été demandé qu’elle soit soumise à référendum, elle devrait bientôt entrer en vigueur. Bien que la Confédération ait déjà mis en œuvre, dans le cadre de ses compétences générales, la plupart des objectifs et principes désormais incorporés dans cette loi, il convient de souligner l’importance de ce nouveau texte de loi. L’adoption de cette loi, qui a été un processus difficile au plan politique, témoigne du consensus solide qui a finalement été atteint sur la question délicate de l’enseignement des langues, domaine qui demeure largement de la compétence des cantons (voir commentaires relatifs à l’article 14 ci-dessous). Cette loi devrait exercer des effets positifs sur la situation des personnes appartenant aux minorités, en particulier les minorités italophone et romanche.

  2. Dans le canton des Grisons, d’importants progrès ont été réalisés du point de vue des garanties législatives relatives à la situation du romanche et de l’italien. Une nouvelle Constitution cantonale a été adoptée le 18 mai 2003 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2004. L’article 3 de cette Constitution8 énonce des principes importants sur le statut du romanche et de l’italien et renforce la coopération entre les autorités cantonales et communales (et des districts) dans le processus de détermination de la langue officielle au niveau local.

  3. A la suite de l’adoption de cette nouvelle Constitution, tout a été mis en œuvre pour élaborer une loi cantonale complète sur les langues visant à donner effet à l’article 3 de la Constitution. Malgré quelques difficultés, une nouvelle loi sur les langues a été adoptée en octobre 2006. Après un référendum dont l’issue a été positive en juin 2007, la loi est entrée en vigueur récemment. Le Comité consultatif se félicite des nouvelles garanties prévues par la loi pour renforcer la position du romanche et – dans une moindre mesure toutefois – de l’italien, encourager le multilinguisme individuel et institutionnel et reconnaître et promouvoir le rôle important des principales organisations culturelles des communautés italophone et romanche (voir commentaires relatifs aux articles 10 et 14 ci-dessous).

7 La loi comprend une série de mesures innovantes et concrètes visant à promouvoir le multilinguisme individuel et institutionnel. Elle encourage également l’apprentissage par les étrangers de leur langue maternelle. La Confédération devrait consacrer des enveloppes budgétaires supplémentaires pour la mise en œuvre future de cette loi, ce qui devrait stimuler de nouvelles initiatives cantonales telles que la création d’instituts destinés à promouvoir la recherche sur le plurilinguisme. 8 L’article 3 de la Constitution des Grisons est libellé comme suit : “1. Les langues nationales et officielles du canton sont l’allemand, le romanche et l’italien à part égale. 2.[…]

3. Les communes et districts déterminent leurs langues officielles et scolaires dans le cadre de leurs compétencees et en collaboration avec le canton. Ils veillent à la répartition traditionnelle des langues et tiennent compte des minorités linguistiques autochtones ».

  1. Des efforts ont été faits ces vingt dernières années pour mettre un terme à l’érosion du romanche, renforcer son statut juridique et encourager son utilisation en public. Ce processus a culminé avec la reconnaissance du romanche en tant que langue officielle aux niveaux fédéral et cantonal, avec l’approbation explicite des électeurs lors de référendums, ceci malgré les complications liées à la coexistence de cinq idiomes du romanche, chacun ayant une forme écrite et orale distincte.

  2. Dans un souci d’assurer la survie à long terme du romanche, la principale association romanche a soutenu avec les autorités cantonales le développement du « Rumantsch Grischun » en tant que nouvelle langue commune pour tous les locuteurs de romanche, indépendamment de leur idiome. Etant donné le caractère sensible de cette question pour les locuteurs de romanche, dont une partie considérent le « Rumantsch Grischun » comme une création artificielle, on s’est particulièrement attaché à encourager une large acceptation publique de cette nouvelle version de la langue et des efforts ont été faits pour permettre aux personnes de continuer à utiliser leurs idiomes. Ainsi, le « Rumantsch Grischun » est devenu la langue officielle utilisée par les autorités fédérales et cantonales, mais ces dernières doivent continuer à accepter des communications dans tous les cinq idiomes. Dans le domaine de l’éducation, l’introduction de manuels en « Rumantsch Grischun » se fait progressivement et des supports pédagogiques dans cette langue sont disponibles depuis 20079. Dans le domaine de la presse écrite et électronique, les cinq idiomes sont encore utilisés sauf pour les informations transrégionales.

b) Questions non résolues

  1. Compte tenu de l’importance globale de maintenir l’italien et le romanche en tant que langues vivantes pour préserver l’identité du canton des Grisons, le développement de leur utilisation au quotidien, et notamment dans les contextes officiels, est essentiel. Bien que l’allemand, le romanche et l’italien soient maintenant reconnus en tant que langues nationales et officielles à part égale au niveau cantonal, il a été rapporté au Comité consultatif que l’administration travaille quasi-exclusivement en allemand. Dans la pratique, l’italien et le romanche sont donc essentiellement des langues de traduction et les représentants de la minorité italophone sont d’avis que les services de traduction de l’administration cantonale manquent de ressources. Il est aussi possible de diffuser davantage de documents administratifs destinés au public en italien10 et en romanche. Dans le domaine judiciaire, il est particulièrement nécessaire d’élaborer une terminologie juridique appropriée en romanche et de proposer une formation linguistique aux juges et aux greffiers afin que cette langue puisse être utilisée de manière plus significative11.

  2. D’après les représentants des minorités concernées, la situation générale des locuteurs d’italien et de romanche vivant en dehors de leurs zones d’implantation traditionnelle dans les cantons des Grisons et du Tessin ne s’est pas véritablement améliorée s’agissant des possibilités de bénéficier d’une aide culturelle et linguistique, notamment en termes d’accès à l’enseignement des langues. Ainsi, selon les estimations, jusqu’à 40% de la population parlant le romanche vivrait en dehors des communes des Grisons où le romanche est une langue officielle. De même, un nombre important d’italophones peut être observé dans les grandes villes comme

9 Sur la nécessité d’avancer progressivement avec l’introduction du « Rumantsch Grischun » dans les supports pédagogiques, voir le troisième rapport du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur la Suisse du 19 septembre 2007, ECRML(2008)2, §§ 71-74. 10 Selon une étude récente de l’Université de Zurich, seuls 58% des formulaires administratifs publiés sur le site internet officiel du canton des Grisons sont aussi disponibles en italien.11 Sur ces questions, voir le troisième rapport du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur la Suisse du 19 septembre 2007, ECRML(2008)2, §§ 75-78.

Zurich ou Berne et il reste difficile pour ces personnes de préserver et de développer leur langue et leur culture (voir commentaires relatifs à l’article 14 ci-dessous). Plusieurs dispositions de la loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques et de la loi sur les langues des Grisons devraient permettre le développement de nouvelles formes de soutien des initiatives culturelles et linguistiques, notamment en ce qui concerne la recherche sur le multilinguisme et la promotion de ce dernier au-delà des frontières linguistiques existantes.

Recommandations

  1. Des efforts particuliers devraient être faits pour assurer la mise en œuvre pleine et entière de la nouvelle législation fédérale sur les langues et mettre à profit les nouvelles possibilités qu’elle offre pour promouvoir de façon plus résolue le multilinguisme, la compréhension mutuelle et les échanges entre les communautés linguistiques.

  2. Les autorités du canton des Grisons12 devraient continuer à encourager une utilisation accrue de l’italien et du romanche, à l’oral comme à l’écrit, par le grand public et au sein de l’administration et du pouvoir judiciaire, afin d’assurer l’égalité entre ces langues et l’allemand comme le prescrit la loi.

Préservation de l’identité des gens du voyage

Constats du premier cycle

60. Dans son premier avis, le Comité consultatif se montrait préoccupé par le fait que le cadre institutionnel et législatif ne permet que difficilement aux gens du voyage de conserver et développer leur culture ainsi que les éléments essentiels de leur identité. Il soulignait également que les obstacles administratifs rendaient difficile l’exercice du commerce itinérant.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Un effort significatif visant à traiter la situation des gens du voyage de manière globale a été accompli grâce au rapport 2006 du Gouvernement sur la situation des gens du voyage en Suisse. Ce rapport contient de nombreuses propositions visant à améliorer leurs conditions de vie et accorde une attention particulière aux possibilités d’action de la Confédération face au principal problème que rencontrent les gens du voyage en Suisse, à savoir le manque d’aires de stationnement et de transit. Pour appuyer ses conclusions et propositions, le rapport s’appuie à plusieurs reprises sur les constats et commentaires du Comité consultatif sur la situation des gens du voyage dans son premier avis sur la Suisse.

  2. Un jugement important du Tribunal fédéral du 28 mars 200313 a reconnu pour la première fois que la vie dans une habitation mobile constituait une caractéristique essentielle de l’identité des gens du voyage, dont les besoins se distinguent de ceux de la population sédentaire. Ce jugement met également l’accent sur l’obligation des autorités de prendre en considération ces besoins dans les procédures d’aménagement du territoire.

12 Lorsque des références aux autorités cantonales figurent dans les recommandations incluses dans le présent avis, elles ne doivent pas être comprises comme une interférence avec la répartition interne des compétences qui découle de la Constitution fédérale, mais plutôt comme une tentative visant à apporter plus de clarté pour les lecteurs de cet avis. 13 ATF 129 II 321

    1. La nouvelle loi fédérale sur le commerce itinérant est entrée en vigueur en 2003. Cette loi, qui englobe toutes les activités commerciales itinérantes, tient compte des intérêts et demandes des gens du voyage, dont les activités traditionnelles restent étroitement liées à leur mode de vie nomade. Les réactions des gens du voyage à cette nouvelle loi ont été positives et les cantons se sont aussi félicités de la simplification des dispositions législatives.

    2. b) Questions non résolues
  1. La situation générale des gens du voyage, dont la majeure partie se considère de descendance yéniche – bien que certains appartiennent aux communautés sinti ou rom – ne semble pas s'être améliorée de manière significative depuis le premier cycle de suivi. Selon leurs représentants, il est même devenu de plus en plus difficile de préserver l’un des éléments essentiels de leur identité, à savoir leur mode de vie itinérant ou semi-itinérant. Dans ces conditions, il reste à voir quelles seront les suites concrètes données au rapport Gouvernemental de 2006. Le cadre institutionnel et juridique, qui est basé sur le fédéralisme et associe les minorités linguistiques à un territoire donné, continue dans la pratique à compliquer la mobilité intercantonale nécessaire pour l’exercice du commerce itinérant, qui reste une activité économique importante pour de nombreux gens du voyage. Le problème du manque chronique d’aires de stationnement et de transit n’est toujours pas résolu et l’attitude générale de la population et des pouvoirs locaux à l’égard des gens du voyage reste entachée de stéréotypes négatifs, de discrimination et de préjugés, bien que les communautés yéniches plus petites comme celles de Buech (Berne) et Châtillon (Fribourg), qui ne voyagent que quelques mois par an, soient généralement mieux intégrées.

  2. L’insuffisance de l’aide publique apportée aux gens du voyage et le manque de reconnaissance de leur contribution à la société suisse sont également mis en évidence par le soutien financier limité accordé à la Fondation « Un avenir pour les gens du voyage suisses » (ci-après : la « Fondation ») et le manque de suivi donné par les autorités aux propositions de cette dernière. En dépit des nombreux problèmes rencontrés par les gens du voyage, le Parlement a rejeté en 2006 une proposition visant à doubler le montant de l’enveloppe budgétaire envisagée (1,5 millions CHF au lieu de 750 000 CHF) et a décidé d’accorder à la Fondation la même contribution, c'est-à-dire une nouvelle enveloppe budgétaire globale de 750 000 CHF pour les années 2007-2011. L’Association des gens du voyage (« Radgenossenschaft der Landstrasse »), qui joue un rôle crucial en ce qu’elle permet aux gens du voyage d’exprimer leurs besoins devant les autorités, est également confrontée à d’importantes contraintes budgétaires : la contribution annuelle de la Confédération, qui représente près de 85% de son budget total, s’élevait à 300 000 CHF en 2003-2005 mais a été réduite à 250 000 CHF en 2006 et 245 900 CHF en 2007. La contribution fédérale devrait rester stable dans les prochaines années (251 500 CHF en 2008 et 255 700 CHF en 2009), sans perspective d’augmentation en termes réels.

  3. Une nouvelle loi fédérale sur la promotion de la culture est à l’examen depuis un certain temps. Bien que son article 14 prévoie que la Confédération peut prendre des mesures pour permettre aux gens du voyage de vivre conformément à leur culture, il semblerait que cette disposition aurait principalement pour fonction de servir de base légale pour soutenir l’Association des gens du voyage. Il y a dès lors peu de chances qu’une politique fédérale plus résolue soit élaborée pour défendre l’identité et la culture des gens du voyage qui, d’après les représentants de cette communauté, restent menacées.

Recommandations

  1. Les autorités devraient renforcer leur politique pour aider les gens du voyage à préserver et à développer les éléments essentiels de leur identité et à promouvoir leur culture. A cet égard, de nouvelles garanties législatives plus fortes devraient être développées afin de renforcer le cadre juridique existant.

  2. Le Comité consultatif prie instamment les autorités d’augmenter l’aide financière publique, actuellement limitée, apportée aux principaux organismes de promotion des initiatives culturelles des gens du voyage.

  3. Il convient d’accorder l’attention requise au suivi à donner aux propositions figurant dans le rapport 2006 du Gouvernement et de mettre en place une procédure de suivi efficace, participative, transparente et accessible aux gens du voyage eux-mêmes.

Manque d’aires de stationnement et de transit pour les gens du voyage

70. Dans son premier avis, le Comité consultatif concluait que le principal problème des gens du voyage était le manque d’aires de stationnement et de transit.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Durant sa visite en Suisse, le Comité consultatif a accordé une attention particulière à la situation des gens du voyage et, en particulier, à leurs besoins en termes d’aires de stationnement et de transit. A ce propos, il a visité une aire de stationnement située à Buech, dans la commune de Berne, qui a été inaugurée en 1998 et offre aujourd’hui un logement de qualité pour un loyer modéré à près de 30 familles. La municipalité avait pris la décision de construire cette aire de stationnement en 1992 déjà et cette décision fut confirmée par référendum en 1997, grâce notamment aux efforts entrepris par les autorités locales pour informer le public de la nécessité de soutenir cette décision. Cette aire recueille maintenant une large acceptation de la part du voisinage et une coopération étroite avec les représentants des gens du voyage a permis de réduire les besoins en matière d’aide sociale, tout en améliorant considérablement la fréquentation scolaire ces dernières années.

  2. D’autres exemples positifs sont signalés dans certains cantons, où la création d’aires de stationnement et/ou de transit progresse. C'est notamment le cas à Genève, où le Parlement cantonal a adopté en 2003 une loi modifiant le plan d’aménagement du territoire cantonal pour y inclure une nouvelle zone longtemps attendue, destinée à être occupée par les forains et les gens du voyage. Cette aire devrait ouvrir en 2008 ou 2009. Il faut également mentionner l’initiative du canton de Saint-Gall, qui a créé deux aires de stationnement en 2002 et 2006 avant de présenter un projet de création de six aires de transit avec une base légale dans la législation sur l’urbanisme.

  3. Le Comité consultatif se félicite du fait que plusieurs autorités cantonales, comme dans le canton de Fribourg, accordent une attention particulière aux besoins spécifiques des différentes catégories de gens du voyage. Le Comité consultatif reconnaît que ces besoins varient considérablement, notamment entre les Roms/Sintis étrangers et les Yéniches suisses14.

14 Ainsi, entre 60 et 80 gens du voyage suisses vivent dans une petite aire de stationnement située à Châtillon (Fribourg), qui a été créée il y a près de 12 ans en vertu d’une convention spéciale entre le canton et la commune.

b) Questions non résolues

  1. Malgré des exemples positifs dans certains cantons, il y a toujours un manque cruel d’aires de stationnement et de transit en Suisse. En juin 2006, la Fondation a publié un rapport d’expert donnant une liste détaillée des aires de stationnement et de transit existantes en Suisse et qui évalue les besoins supplémentaires dans ce domaine. Cette étude montre qu’il y a très peu de progrès dans la pratique : depuis 2001, neuf aires de transit ont été fermées, pour seulement trois nouvelles constructions sur tout le territoire suisse. Selon le rapport d’expert, 29 aires de stationnement supplémentaires seraient nécessaires pour pouvoir accueillir environ 1 500 gens du voyage itinérants suisses. Il faudrait également créer 38 aires de transit supplémentaires pour les gens du voyage suisses pratiquant un mode de vie semi-itinérant, ainsi que 10 aires de transit plus grandes pour les gens du voyage étrangers. En outre, 40 aires de transit ne répondent plus aux normes et devraient être remises à neuf.

  2. Les cantons n’ont pour l’instant pas véritablement donné de suite à l’important arrêt précité, dans lequel le Tribunal fédéral souligne qu’il découle de l’article 3(3) de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire que les besoins spécifiques de la partie de la population que composent les gens du voyage suisses doivent également être satisfaits. Par conséquent, les instruments de planification du territoire, tant au niveau cantonal que communal, doivent permettre la création d’aires appropriées servant de lieux de résidence pour les gens du voyage, conformément à leurs traditions. Cette planification pourrait également être le résultat d’une coordination intercantonale sous l’égide de la Confédération, mais à ce jour aucune coordination de ce type n’a encore eu lieu. Il est regrettable que les initiatives de la Confédération n’aient pas non plus porté leurs fruits : le Gouvernement a simplement décidé, en octobre 2006, de charger le Département fédéral compétent de tenir dûment compte de la situation des gens du voyage lors de l’adoption des plans d’aménagement cantonaux et d’attirer l’attention des cantons, lorsque l’occasion se présente, sur les possibilités de création d’aires de stationnement et de transit qu’offre la loi sur l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est d’avis que la loi sur l’aménagement du territoire ne nécessite pas d’amendement et que les mesures à mettre en œuvre par la Confédération dans ce domaine ne devraient pas donner lieu à des dépenses supplémentaires.

  3. Dans de nombreux cantons, des propositions de création d’aires supplémentaires ont été gelées, voire retirées suite à des réactions hostiles de la part des communes concernées, d’une partie de la population locale et/ou de différents groupes de pression. Tel a été le cas récemment dans les cantons d’Argovie et de Schwyz, ainsi que dans le canton de Fribourg, où le Gouvernement cantonal a suspendu en décembre 2006 sa décision de novembre 2005 de créer deux aires de transit malgré les besoins mis en évidence et les propositions soumises par la commission cantonale pour les gens du voyage.

  4. Une mesure fédérale plus prometteuse, à savoir la réaffectation des terrains militaires appartenant à la Confédération, pourrait constituer une solution à condition que des mesures d’accompagnement plus résolues soient prises pour encourager les cantons à saisir cette opportunité. Dans sa décision d’octobre 2006, le Gouvernement a cependant simplement décidé d’attirer l’attention des cantons sur les terrains disponibles susceptibles de convenir pour la création d’aires de stationnement et de transit et de la possibilité de les acheter à un prix plus bas. Le Comité consultatif regrette que les cantons n'aient pas, jusqu’à présent, manifesté un intérêt plus grand pour cette possibilité, mais qu’ils aient plutôt demandé un signal plus fort

Le canton cherche maintenant à créer un ou deux sites de transit plus importants, qui serviraient principalement à accueillir les gens du voyage étrangers qui traversent la Suisse chaque année entre mars et octobre.

témoignant de l’engagement fédéral, tel que l’introduction d’incitations fédérales plus importantes pour que ces propositions soient acceptées15.

  1. En novembre 2006, la Fondation et la Commission fédérale contre le racisme ont publié une déclaration publique soulignant que les propositions contenues dans le rapport 2006 du Gouvernement sur la situation des gens du voyage seraient probablement insuffisantes à moyen terme. Elles ont demandé l’élaboration d’une loi rendant obligatoire les changements nécessaires dans un délai imparti. Elles ont également demandé un plan d’action fédéral, qui serait préparé avec l’aide de la Conférence des Gouvernements cantonaux (CdC) et la Conférence suisse des Directeurs des travaux publics, de l’aménagement du territoire et de l’environnement (DTAP). A partir de ce plan d’action, chaque canton devrait commencer à travailler sur des projets d’aires de stationnement et de transit. Un arrêt de quelques jours sur du terrain public autre que les sites officiels devrait être légalement possible dans chaque commune. En outre, la Confédération devrait encourager les cantons et les communes à créer des sites adaptés par un système d’incitations financières. L’Association des gens du voyage, ainsi que d’autres représentants des gens du voyage, ont proposé d’élargir le champ d’application de l’article 24 de la loi sur l’aménagement du territoire afin de faciliter l’octroi de dérogations administratives pour la création d’aires de stationnement et de transit.

  2. Certains représentants des gens du voyage estiment que même la création d’aires de stationnement et de transit supplémentaires demandée par le rapport d’expert publié par la Fondation ne suffirait pas pour permettre à tous les gens du voyage d’origine yéniche qui le désirent de poursuivre leur mode de vie itinérant ou semi-itinérant. Ils soutiennent que cela ne serait possible qu’en prenant des mesures d’accompagnement, telles que des mesures législatives cantonales dispensant d’une autorisation l’arrêt de courte durée des caravanes de gens du voyage ou levant l’interdiction de garer les caravanes actuellement prévue par les règlements de police dans l’immense majorité des communes suisses. Dans la pratique, ces mesures pourraient permettre aux propriétaires de louer plus facilement de petites parcelles de terrain aux gens du voyage pour de courtes périodes.

Recommandations

  1. Le Comité consultatif encourage les autorités à introduire de nouvelles garanties législatives au niveau fédéral pour faciliter et accélérer la planification et la création d’aires. La Confédération devrait renforcer les incitations financières et autres pour pousser les cantons à l’action ; ces mesures pourraient inclure des efforts plus grands pour réaffecter les terrains militaires pour la création d’aires de stationnement et de transit, en coopération avec la Fondation.

  2. Les législations cantonales sur l’aménagement du territoire et les constructions, ainsi que les règlements de police communaux, devraient être révisées pour faciliter l’arrêt des caravanes de gens du voyage sur des terrains privés et publics pendant de courtes périodes.

  3. Une coopération intercantonale accrue, éventuellement par le biais des structures intercantonales existantes, devrait être établie de la planification jusqu’à la gestion des aires de stationnement et de transit. Un soutien plus important de la Confédération est nécessaire dans ce processus.

15 Ainsi, la vente de tout terrain militaire pourrait être conditionnée à la création – ou à l’engagement juridiquement contraignant de créer – une aire de transit pour les cantons concernés. La possibilité de transférer gratuitement les terrains militaires concernés en échange de la création d’aires de transit pourrait aussi être explorée.

Article 6 de la Convention-cadre

Promotion de la tolérance

Constats du premier cycle

83. Dans son premier avis, le Comité consultatif a constaté qu'une grande tolérance caractérisait les relations entre les germanophones, les francophones, les italophones et les romanches mais que les gens du voyage, qui font encore l’objet de stéréotypes négatifs, n’étaient pas encore perçus par la majorité comme faisant partie intégrante de la population suisse.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Le Gouvernement, qui s’est efforcé d’accroître la tolérance entre la population sédentaire et les gens du voyage, a souligné la nécessité de promouvoir la compréhension mutuelle dans son rapport de 2006 sur la situation des gens du voyage en Suisse (voir commentaires relatifs à l’article 15 ci-dessous). Dans ce contexte, la Fondation a organisé une série d’événements pour favoriser un climat de confiance et diffuser des informations sur les gens du voyage au grand public. En novembre 2003, un centre de ressources a été ouvert à Zurich dans les bureaux de l’Association des gens du voyage. Ce centre fournit des informations sur l’histoire, la culture et la vie quotidienne des gens du voyage.

    1. Dans le domaine de l’éducation, des initiatives coordonnées sont prises sous l’égide de la Conférence des Directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) afin d’inclure davantage d’éléments sur la culture religieuse dans les programmes scolaires pour tenir compte de la diversité accrue de la société suisse. Par ailleurs, un Conseil suisse des religions a été créé en 2005 ; il est de plus en plus consulté par les autorités, et notamment la CDIP, à diverses occasions.

    2. b) Questions non résolues
  2. Il subsiste un manque de compréhension de la population sédentaire à l’égard des gens du voyage. La persistance des préjugés s’explique souvent par le fait qu’une partie de la population sédentaire ignore tout de la présence de longue date des gens du voyage en Suisse, de leur mode de vie et de leurs coutumes. Les stéréotypes négatifs sur les gens du voyage, les Sinti et les Roms sont encore fréquents dans les médias et certaines autorités municipales les ont parfois renforcés, par exemple dans le cadre des discussions sur la création d’aires de stationnement et de transit supplémentaires.

  3. Gardant à l’esprit que certaines décisions en matière d’aménagement du territoire peuvent être prises par référendums locaux, il est essentiel de promouvoir et de renforcer la compréhension mutuelle entre les gens du voyage et la population en général, de manière à ce que les décisions démocratiques tiennent dûment compte du mode de vie itinérant pratiqué par certaines catégories de gens du voyage. De nouvelles mesures renforçant la confiance, en particulier des débats publics, pourraient être utiles à cet égard.

  4. Des manifestations de racisme, de xénophobie et d’intolérance, en particulier à l’égard des requérants d’asile, des réfugiés, de certains groupes d’étrangers et des musulmans, continuent à être signalées ces dernières années, y compris par des organismes du Conseil de

l’Europe16. D’après une étude approfondie commandée par la Commission fédérale contre le racisme, les étrangers et les minorités ethniques ont fait l’objet de stéréotypes négatifs durant la campagne électorale de 2007 et les musulmans ainsi que les jeunes étrangers ont été particulièrement visés17.

89. Le lancement d’une initiative populaire visant à interdire la construction de minarets a également suscité des attitudes négatives à l’égard des musulmans. En septembre 2007, le Rapporteur de l’ONU contre le racisme s’est montré préoccupé par une campagne d’affichage nationale montrant trois moutons blancs sur un drapeau suisse rejetant un mouton noir avec pour slogan « pour plus de sécurité » et a demandé son retrait car elle était de nature à inciter à la haine raciale et religieuse. Cette déclaration faisait suite à des rapports antérieurs du Rapporteur de l’ONU sur le racisme, dans lesquels il faisait observer que le racisme, la xénophobie et la discrimination étaient banalisés dans le débat politique. L’ECRI s'était également inquiétée de l’intolérance et de la xénophobie dans le discours politique, notamment à l’égard des demandeurs d’asile et des réfugiés18.

Recommandations

  1. Des efforts plus importants devraient être faits pour sensibiliser la population à l’histoire et à la culture des gens du voyage de manière à combattre les stéréotypes négatifs. Les mesures de promotion de la tolérance et de la compréhension mutuelle, notamment dans le domaine des médias, devraient être intensifiées.

  2. Les autorités devraient réagir de manière plus vigoureuse pour lutter contre l’intolérance et la xénophobie dans le discours politique et élaborer de nouvelles mesures pour assurer un climat de tolérance envers les minorités ethniques, les étrangers, les requérants d’asile et les réfugiés.

Protection contre les actes de discrimination et antisémitisme

Constats du premier cycle

  1. Dans son premier avis, le Comité consultatif prenait note de phénomènes isolés d’antisémitisme et encourageait les autorités à les combattre et à rester vigilantes dans ce domaine.

  2. Il notait également que des cas de refus généralisés d’octroi de la naturalisation à des candidats issus de certains pays avaient été signalés durant les années précédentes et soulevaient

16 Voir en particulier le troisième rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) sur la Suisse du 27 juin 2003, §§ 41-43, 51-62, 88-93, qui mentionne notamment des « signes d’intolérance et de xénophobie .[…] dans le discours politique et public »; Rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sur la Suisse du 8 juin 2005, § 107-110, qui mentionne notamment « un niveau alarmant de xénophobie, d’intolérance et de racisme dans la population suisse ». 17 Voir le rapport du 9 décembre 2007 de l’Université de Zurich intitulé « Forschungsbereich Offentlichkeit und Gesellschaft » qui analyse les « typisations » des étrangers faites pendant la dernière campagne électorale. Les trois quarts des représentations négatives des étrangers et des membres de minorités émanent d’un seul parti politique. La stratégie de ce parti, les vives réactions des médias et des autres partis ont profondément marqué la campagne électorale de 2007, prenant même le pas sur les questions environnementales. Les critiques à l’égard de l’image négative véhiculée contre la population étrangère ont été nettement plus fortes en Suisse romande. La Commission fédérale contre le racisme est d’avis que cette étude montre comment le populisme de droite se sert de l’image négative de l’étranger pour attiser les tendances xénophobes ambiantes. 18 Voir troisième rapport sur la Suisse de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du 27 juin 2003, §§ 83-87.

des problèmes du point de vue de l’interdiction de la discrimination, notamment en l’absence de voies de droit.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Les sondages et enquêtes les plus récents montrent que les sentiments antisémites n’ont pas augmenté au sein de la population ces dernières années. Il semblerait que les victimes d’actes d’antisémitisme soient de plus en plus désireuses de signaler ces incidents, ce qui témoigne de la confiance qu’elles accordent aux mécanismes actuels permettant de signaler de tels actes bien que le nombre croissants d’incidents déclarés reste préoccupant (voir les commentaires correspondants aux paragraphes 96-97, ci-dessous).

  2. Deux arrêts de principe du Tribunal fédéral le 9 juillet 200319 ont énoncé des principes importants concernant les procédures de naturalisation. Dans le premier jugement, une décision cantonale sur la naturalisation a pour la première fois été annulée pour cause de discrimination. Dans le second jugement, la pratique consistant à soumettre les demandes de naturalisation à un vote populaire (référendum obligatoire) a été jugée contraire à la Constitution car cela ne constituait pas une décision motivée. La plupart des cantons concernés indiquent qu’en attendant les amendements à leur législation visant à assurer une conformité avec cette nouvelle jurisprudence, ils ont publié des directives pour éviter des cas similaires de refus non motivés d’accorder la naturalisation. Dans de nombreux cas, ils ont également interdit la tenue de votes sur la naturalisation et ont mis en place des voies de recours contre les allégations de refus discriminatoires. Un amendement à la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité a été approuvé par le Parlement le 21 décembre 2007 et pourrait entrer en vigueur plus tard en 2008. Il vise à mettre en conformité la pratique de la naturalisation par référendum, qui existe de longue date dans de nombreuses communes de certains cantons, avec les exigences de l’Etat de droit. Conformément à cette nouvelle loi, un vote populaire reste possible sous toutes ses formes (élections générales, vote à main levée ou vote à bulletins secrets dans les assemblées de commune), mais seulement dans les cas où il y a eu une requête de rejet de la demande de naturalisation, et à condition que l’organe ayant pris la décision puisse fournir une motivation suffisante et conforme au droit, de sorte que le candidat à la naturalisation puisse faire vérifier par voie judiciaire le caractère équitable et non arbitraire d’une décision négative20. De plus, les cantons seront obligés d’introduire des voies de droit auprès d’autorités judiciaires qui connaîtront des recours contre les refus de naturalisation21.

b) Questions non résolues

96. En 2006, il y a eu une nette augmentation des allégations de violation de l’article 261bis du Code pénal, qui interdit la « discrimination raciale », par rapport à 2004 et 200522. Depuis l’entrée en vigueur de cet article en 1995, les personnes les plus fréquemment touchées par la discrimination raciale étaient les personnes d’origine juive, loin devant les étrangers et les minorités visibles.

19 ATF 129 I 217 et ATF 129 I 232. 20 Voir article 15a et 15b de la loi. 21 Voir article 50 de la loi. 22 Sur 49 cas signalés à la Commission fédérale contre le racisme en matière d’allégations de violation de l’article 261bis du Code pénal, 28 ont été transmises aux juridictions pénales : 24 ont donné lieu à une condamnation et 4 à un acquittement.

  1. A la demande de la Fédération suisse des communautés juives (FSCI) et en coopération avec cette dernière, deux associations enregistrent les actes antisémites en Suisse par le biais des services qu’elles ont mis en place pour aider, conseiller et soutenir les victimes. La FSCI recueille ces informations et les publie dans un rapport de synthèse. En 2006, elle a enregistré 73 incidents signalés à ses services. Le nombre d’incidents a donc plus que doublé par rapport à 2005. La FSCI estime que la Confédération devrait créer un centre de signalement de ces cas.

  2. En dépit d’un amendement récent à la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité et malgré les mesures de transition adoptées par les cantons concernés, des cas isolés de refus discriminatoire de naturalisation, notamment au détriment de personnes originaires des Balkans et/ou de musulmans, ont été signalés jusqu’à récemment, y compris par la Commission fédérale contre le racisme23.

  3. Le Comité consultatif note qu’une initiative populaire fédérale intitulée « Pour des naturalisations démocratiques » est actuellement pendante. Le Comité consultatif est préoccupé de ce que cette initiative, sur laquelle un référendum sera organisé le 1er juin 2008, vise à donner aux communes les pleins pouvoirs pour déterminer quelle sera l’autorité habilitée à octroyer la citoyenneté. Si elle est acceptée, cette initiative exclura toute possibilité de recours au niveau cantonal, partant du principe que la naturalisation est un acte purement politique et non un acte administratif individuel et concret. Par conséquent, l’amendement précité à la loi sur l’acquisition et la perte de la nationalité approuvé par le Parlement le 21 décembre 2007 n’entrerait pas en vigueur.

Recommandations

  1. Les efforts pour lutter contre la discrimination raciale par l’application des dispositions pénales devraient être poursuivis. Les autorités devraient suivre de près les évolutions dans ce domaine et envisager de nouvelles méthodes de suivi, notamment en ce qui concerne les actes d’antisémitisme.

  2. Les cantons et communes concernés devraient tout particulièrement veiller à rendre des décisions motivées s’agissant des demandes de naturalisation, de façon à éviter des décisions discriminatoires. Il convient de poursuivre avec résolution les initiatives de réforme de la législation applicable de manière à garantir sa pleine conformité avec les principes de l’Etat de droit et les autorités devraient fournir des informations objectives dans ce débat.

Article 9 de la Convention-cadre

Programmes de radio et de télévision

Constats du premier cycle

102. Dans son premier avis, le Comité consultatif se félicitait de l’existence de très nombreux programmes de radio et de télévision en langue allemande, française et italienne, ainsi que de l’existence de créneaux réguliers dans les programmes télévisés et d’une radio de service public en langue romanche.

23 Voir Commission fédérale contre le racisme, « Discrimination dans le cadre des naturalisations », Berne, septembre 2007, qui mentionne également des arrêts récents du Tribunal fédéral annulant des refus de naturalisation en raison d’une motivation insuffisante de la part de l’organe local concerné.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Une nouvelle loi fédérale sur la radio et la télévision est entrée en vigueur en avril 2007, qui confirme en substance le mandat de la Société suisse de radiodiffusion (SSR) s’agissant de l’obligation de diffuser des programmes de qualité égale en allemand, en français, en italien dans l’ensemble du pays. Le mandat a été renforcé en ce qui concerne la langue romanche, avec une obligation explicite de prévoir au moins une grille de programmes radio pour la Suisse de langue romanche et une obligation pour le Gouvernement de définir les principes permettant de répondre aux besoins spécifiques de cette région linguistique en matière de radio et de télévision.

    1. Le Comité consultatif croit comprendre que le programme radio en romanche devrait permettre de continuer d’utiliser, en tant que nécessaire, les cinq idiomes de cette langue. La durée quotidienne des programmes diffusés en romanche par la radio de service public a nettement augmenté depuis le premier cycle de suivi en raison de l’ouverture d’un nouveau centre de médias à Coire en 2006. Depuis avril 2005, la télévision romanche de service public a également accru son temps d’antenne, en augmentant par ailleurs la fréquence de son bulletin d’informations.

    2. b) Questions non résolues
  2. Des discussions sont en cours sur l’éventuelle création d’une station de télévision régionale dans les Grisons, qui diffusera en romanche. En dépit de l’intérêt des locuteurs de romanche pour ce projet, il ne s’est pas encore concrétisé en raison d’un manque de fonds.

Recommandation

106. Les autorités sont invitées à continuer d’analyser les besoins des locuteurs de romanche en termes de temps d’antenne et s’assurer que les nouvelles dispositions juridiques sont totalement mises en œuvre dans la pratique.

Presse écrite

Constats du premier cycle

107. Dans son premier avis, le Comité consultatif se félicitait de la grande variété des titres existants dans les quatre langues nationales mais notait que l’unique quotidien romanche connaissait des difficultés.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

    1. Aux termes de l’article 12 de la nouvelle loi sur les langues du canton des Grisons, le canton peut verser des subventions aux journaux et revues romanches sous la forme d’indemnités s’ils ont apporté une contribution à la protection de la langue, à condition qu’ils n’aient pas pu rentrer dans leurs frais. Les journaux et revues publiés en romanche ont continué à bénéficier d’un soutien indirect sous la forme de services de rédaction, et l’important financement public de l’agence de presse romanche a été maintenu.

    2. b) Questions non résolues
  1. Bien qu’il existe de nombreux titres en langue italienne dans la presse écrite, les représentants de la communauté italophone du canton des Grisons déplorent le manque de couverture médiatique en italien de la vie politique, économique et culturelle de leur canton. Cela est lié au fait que les journaux existants sont essentiellement basés au Tessin et se concentrent donc quasi exclusivement sur les événements se produisant dans ce canton ainsi qu'au niveau fédéral. Des discussions sont en cours, notamment avec l’Agence télégraphique suisse concernant la nomination éventuelle d’un correspondant italophone à Coire pour remédier à ce problème.

Recommandation

110. Les autorités devraient poursuivre leurs efforts louables pour soutenir la presse écrite, notamment en romanche et en italien dans le canton des Grisons, et faire le meilleur usage possible des possibilités qu’offrent les nouvelles dispositions législatives dans le domaine des langues.

Médias et gens du voyage

Constats du premier cycle

111. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que les émissions radio en langue rom étaient limitées et qu’il n’existait qu’un seul journal yéniche. Il invitait les autorités à examiner avec les représentants des gens du voyage si cette situation correspondait à leurs besoins.

Situation actuelle

112. Les autorités suisses ont consulté l’Association des gens du voyage à propos du constat du premier cycle. L’Association considère que l’éventuelle diffusion d’un programme en yéniche à la radio locale serait souhaitable, sans toutefois le demander. D’autres représentants de la communauté yéniche ont davantage mis l’accent sur cette question – notamment dans leurs échanges avec le Comité consultatif – et demandent l’élaboration d’une politique des médias appropriée pour aider les Yéniches, les Sinti et les Roms. Les autorités suisses ont laissé entendre que les besoins des gens du voyage dans le domaine des médias pourraient devenir un futur sujet de discussion au sein de la Fondation.

Recommandation

113. Des efforts devraient être faits pour mieux répondre aux besoins des gens du voyage dans le domaine des médias et accorder une attention accrue à cette question dans les institutions concernées, au sein desquelles la Confédération et les cantons sont représentés.

Article 10 de la Convention-cadre

Utilisation des langues dans les relations avec les autorités fédérales

Constats du premier cycle

114. Dans son premier avis, le Comité consultatif se montrait satisfait de la coexistence de quatre langues officielles en Suisse mais invitait les autorités fédérales à rappeler au personnel de l’administration fédérale la nécessité de répondre systématiquement en italien aux demandes présentées dans cette langue.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

115. Les services de traduction en italien dans l’administration fédérale ont été élargis ces dernières années pour atteindre 95 postes aujourd’hui. Les personnes concernées jugent cette situation satisfaisante. Un manuel sur la promotion du multilinguisme au sein de la fonction publique fédérale, qui contient un chapitre spécifique sur l’utilisation de l’italien, est en cours de finalisation et devrait être publié en juin 2008.

b) Questions non résolues

  1. Les autorités du canton italophone du Tessin ont signalé que pour des procédures de consultation, certains Offices fédéraux ne fournissaient quelquefois que des textes en français ou en allemand. Des représentants de la minorité italophone ont regretté l’absence d’informations en italien sur les sites internet de plusieurs institutions fédérales, ainsi que le volume limité d’informations en italien sur de nombreux autres.

  2. Bien que la nouvelle loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques contienne des garanties remarquables pour assurer le statut égal de l’allemand, du français et de l’italien en tant que langues officielles, ainsi qu'un niveau de protection élevé pour le romanche en tant que langue officielle dans les relations avec les locuteurs de cette langue, des informations provenant de diverses sources semblent indiquer que l’italien a tendance à perdre de l’importance au sein des autorités fédérales, et notamment de l’administration fédérale. Si les dispositions24 qui indiquent quels textes doivent être publiés en allemand, en français et en italien semblent être plutôt bien respectées dans la pratique, l’utilisation de l’italien dans le processus décisionnel au sein de l’administration fédérale et dans le travail des fonctionnaires concernés semble être en recul. Par conséquent, l’italien devient de plus en plus une langue de traduction au lieu d’être une langue de travail, une évolution qui pourrait à terme avoir des répercussions négatives sur son utilisation systématique avec les personnes appartenant à la minorité italophone.

Recommandation

118. Les autorités fédérales devraient poursuivre leurs efforts pour veiller à ce que l’italien soit systématiquement utilisé dans les relations avec les personnes et les institutions italophones. Elles devraient continuer à encourager une utilisation accrue de l’italien à l’oral et à l’écrit au sein de l’administration publique fédéral, de manière à garantir l’égalité avec les autres langues officielles telle que prévue par la loi.

Utilisation des langues dans les relations avec les autorités des cantons bilingues

Constats du premier cycle

119. Dans son premier avis, le Comité consultatif concluait que les relations entre les personnes appartenant aux minorités linguistiques et les autorités cantonales dans les cantons de Berne, Fribourg et du Valais ne posaient en principe aucun problème, mais que certaines difficultés se présentaient dans les relations avec les autorités administratives au niveau infra-cantonal (c’est-à-dire les communes et districts), en particulier dans certaines communes situées le long de la frontière linguistique (franco-allemande).

24 Articles 8 (2) et 10 de la loi.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. La nouvelle Constitution du canton de Fribourg, entrée en vigueur en janvier 2005, énonce les principes fondamentaux de l’utilisation des langues officielles25 et protège pour la première fois de manière explicite la liberté de la langue26. Parmi les principales innovations, le français et l’allemand peuvent maintenant être déclarées langues officielles dans les communes comprenant « une minorité linguistique autochtone importante ».

  2. Le compromis qui a été atteint sur les dispositions linguistiques de la nouvelle Constitution du canton de Fribourg confirme l’importance générale du principe de territorialité. Par ailleurs, il pourrait ouvrir la voie vers une interprétation moins stricte de ce principe dans la pratique lors de la mise en balance des intérêts publics et privés en présence, de manière à mieux tenir compte des dispositions du droit international et de la Constitution fédérale. En attendant l’adoption d’une loi cantonale sur les langues, qui pourrait notamment élaborer des critères définissant la notion de « minorité linguistique autochtone importante » dans les communes, certaines mesures positives ont déjà été prises. Par exemple, dans la commune de Fribourg (la capitale cantonale), le Conseil général (organe législatif) a adopté en mars 2006 de nouvelles règles qui prévoient que les documents importants devront à l’avenir être diffusés aux conseillers en français et en allemand. Jusqu’à présent, ils n’étaient rédigés qu’en français.

    1. Dans le canton de Berne, la Constitution prévoit des possibilités de tempérer le principe de territorialité dans certaines situations, notamment en vue de protéger la population francophone dans les communes/districts où cette population est en minorité numérique. L’article 49 de la loi du 13 septembre 2004 sur le statut spécial du Jura bernois et sur la minorité francophone du district bilingue de Bienne, qui est entrée en vigueur en janvier 2006, prévoit que toute personne peut s’adresser dans la langue officielle de son choix aux autorités compétentes pour le district bilingue de Bienne. Cette solution semble bien fonctionner dans la pratique et reflète la mixité linguistique du district. Aux termes de l’article 51, les communes de Bienne et d’Evilard doivent tenir compte du bilinguisme dans l’accomplissement de leurs tâches et peuvent prendre des mesures pour en assurer la sauvegarde et le développement.

    2. b) Questions non résolues
  3. En dépit de l’évolution des dispositions constitutionnelles et législatives et malgré l’interprétation plus flexible du principe de territorialité défendue par la jurisprudence fédérale pertinente, la possibilité d’utiliser une langue minoritaire (allemand ou français) dans les relations avec les autorités communales est encore marquée par une part d’insécurité juridique. Cela est notamment le cas dans le canton de Fribourg, où la notion constitutionnelle de commune comprenant une « minorité linguistique autochtone importante » demeure indéterminée en l’absence d’une loi cantonale sur les langues.

Recommandation

124. Les efforts devraient être poursuivis pour mettre en œuvre les nouvelles garanties constitutionnelles et législatives, de manière à mieux répondre aux besoins des personnes concernées dans les communes situées à la frontière linguistique. L’adoption d’une loi sur les langues dans le canton de Fribourg pourrait être envisagée.

25 Voir article 6 de la nouvelle Constitution de Fribourg. 26 Voir article 21 de la nouvelle Constitution de Fribourg.

Utilisation des langues dans les relations avec les autorités dans le canton des Grisons

Constats du premier cycle

125. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait avec satisfaction les nombreuses initiatives prises pour renforcer la situation du romanche mais constatait également certaines difficultés dans les relations avec les autorités administratives infra-cantonales. Il faisait remarquer en particulier que certaines communes situées à la frontière linguistique qui tenaient le procès-verbal de leurs assemblées communales en romanche envisageaient de passer à l’allemand, et espérait que les autorités compétentes feraient tout leur possible pour maintenir le caractère romanche de ces communes.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. L’adoption d’une nouvelle Constitution dans le canton des Grisons en 2003 et d’une nouvelle loi sur les langues en 2006 constitue un important pas en avant (voir commentaires relatifs à l’article 5 ci-dessus). Cette loi, qui se base sur l’article 3 de la nouvelle Constitution, entend renforcer la position du romanche (et dans une moindre mesure, de l’italien) par le biais d’un système permettant de déclarer le romanche langue co-officielle dans les communes présentant un pourcentage important de locuteurs de romanche. D’après cette nouvelle loi, une commune est considérée comme monolingue si au moins 40% de sa population appartient à une minorité considérée comme minorité linguistique autochtone dans le canton ; dans ces communes, la langue officielle est la langue de cette minorité, même si la majorité de la population parle l’allemand. Une commune est considérée comme multilingue lorsque ce pourcentage est situé entre 20 et 40%. Par conséquent, cette nouvelle loi devrait renforcer le statut du romanche et de l’italien, le changement de langue(s) officielle(s) d’une commune devenant plus difficile27.

    1. Malgré la préoccupation du Comité consultatif selon laquelle certaines communes romanches situées à la frontière linguistique envisageraient de passer à l’allemand pour la tenue de leurs procès-verbaux, il convient de noter qu’aucun changement de ce type n’a été signalé.

    2. b) Questions non résolues
  2. Il est nécessaire de veiller à ce que les documents officiels soient systématiquement publiés également en romanche (ou en italien) et non seulement en allemand dans les communes qui seront considérées comme multilingues en vertu de la nouvelle loi cantonale sur les langues. Il en va de même pour l’utilisation du romanche (ou de l’italien) dans les assemblées de

28

communes.

27 Selon la nouvelle loi, le passage d'une commune monolingue à une commune multilingue est proposé si le pourcentage de la population appartenant à la minorité linguistique autochtone tombe en dessous de 40%. De même, une proposition de passage d’une commune multilingue à une commune germanophone est présentée si ce pourcentage tombe en dessous de 20%. Une modification de langue officielle est considérée comme ayant été approuvée si elle a été approuvée 1) par la majorité, dans le cas d’un passage d’une commune monolingue à une commune multilingue et 2) par les deux tiers des électeurs en cas de passage d’une commune multilingue à une commune germanophone. En outre, toute décision de modification doit être approuvée par le Gouvernement cantonal. Concernant les districts, ceux composés de communes monolingues ayant la même langue officielle sont considérés comme monolingues et ceux composés de communes ayant différentes langues officielles sont considérés comme multilingues. 28 Voir le troisième rapport du Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires sur la Suisse du 19 septembre 2007, §§ 99-102.

Recommandation

129. Les efforts visant à mettre un terme au déclin de l’utilisation officielle du romanche et de l’italien au niveau des communes et des districts doivent se poursuivre, notamment la mise en œuvre pleine et entière de la nouvelle loi cantonale sur les langues et la promotion systématique de l’utilisation de ces langues dans les communes multilingues.

Article 11 de la Convention-cadre

Enseignes privées visibles par le public

Constats du premier cycle

130. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait l’existence de certaines restrictions exceptionnelles au droit de présenter, dans une langue minoritaire, des enseignes de caractère privé exposées à la vue du public, restrictions qui ne concernaient que quelques communes des Grisons et répondaient au souci légitime de préserver la langue romanche.

Situation actuelle

Evolutions positives

131. D’après les autorités, ces restrictions sont restées limitées à une seule commune il y a plusieurs années de cela et aucun cas similaire n’a été signalé depuis. En outre, l’article 17(1) de la loi sur les langues du canton des Grisons prévoit maintenant que dans les communes monolingues, les enseignes privées exposées à la vue du public doivent « dûment tenir compte de la langue officielle ».

Article 12 de la Convention-cadre

Harmonisation de l’enseignement des langues

Constats du premier cycle

132. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que la question de la place de l’anglais par rapport aux langues nationales faisait l’objet d’un vaste débat en Suisse et insistait sur la crainte légitime, exprimée par de très nombreuses personnes appartenant aux minorités linguistiques, que l’introduction d’un enseignement précoce de l’anglais ne se fasse au détriment de l’enseignement des langues nationales. Il encourageait les autorités à veiller à ce que les réformes en cours laissent suffisamment de place au plurilinguisme.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

133. En mars 2004, la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a décidé de mener un développement coordonné de l’enseignement des langues dans l’éducation obligatoire et d’encourager la maîtrise des langues à un âge précoce. L’objectif était de promouvoir la première langue (langue nationale locale) dans une plus grande mesure et, à plus long terme, d’enseigner à tous les élèves deux langues étrangères à compter de la troisième et de la cinquième années de scolarisation au plus tard. Les langues étrangères proposées devront comprendre une seconde langue nationale et l’anglais. La mise en œuvre de ce développement coordonnée devrait être traduite dans la pratique d’ici 2010 ou 2012 au plus tard, en fonction de la situation des divers cantons. L’ordre dans lequel les deux langues étrangères seront introduites n’est pas décisif, l’essentiel étant de répondre aux objectifs fixés pour la fin de la scolarité obligatoire, à savoir l’acquisition de compétences égales dans les deux langues étrangères.

134. Le Comité consultatif note avec satisfaction que la CDIP, par sa décision de 2004, s’est clairement prononcée en faveur d’une deuxième langue nationale pour tous les élèves de l’enseignement primaire à compter de la cinquième année au plus tard, ce qui constitue une mesure importante pour le renforcement de la cohésion nationale et correspond pleinement à l’esprit de la nouvelle loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques29. Les changements décidés par la CDIP ont été confirmés par l’adoption du traité cantonal « HarmoS » en juin 2007, qui précise les composantes de l’harmonisation de l’enseignement obligatoire en Suisse par l’introduction de standards éducatifs uniformes et mesurables dans certaines classes et pour certaines matières, notamment les première et deuxième langues étrangères. Le traité « HarmoS », qui a été signé par les directeurs cantonaux de l’instruction publique, doit encore être ratifié par les parlements cantonaux avant d’entrer en vigueur.

b) Questions non résolues

135. La stratégie de la CDIP pour une coordination nationale de l’enseignement des langues dans l’éducation obligatoire a donné lieu à de fortes résistances dans plusieurs cantons de la Suisse germanophone. Elle a été accusée de surcharger les élèves de l’école primaire, qui doivent déjà apprendre l’allemand – de facto une langue étrangère pour eux – en plus du suisse allemand. Les opposants à la stratégie de la CDIP sont favorables à l’enseignement d’une seule langue étrangère à l’école primaire, en l’occurrence l’anglais. Par conséquent, le français serait écarté de l’enseignement primaire et seulement enseigné dans l’enseignement secondaire. De nombreuses initiatives populaires et interventions parlementaires ont eu lieu dans différents cantons en vue d’introduire le modèle de langue étrangère unique au niveau primaire. Il semblerait toutefois qu’à ce jour, aucun canton n’ait finalement opté pour l’anglais en tant que langue étrangère unique à l’école primaire.

Recommandation

136. Les autorités cantonales devraient poursuivre leurs efforts visant à assurer l’harmonisation intercantonale rapide de l’enseignement des langues sans affaiblir l’enseignement des langues nationales. Elles devraient aussi intensifier les mesures de sensibilisation sur la nécessité de promouvoir le plurilinguisme des enseignants et des élèves.

29 Voir en particulier l’article 15 :

« 1. (…)

  1. Dans le cadre de leurs attributions, la Confédération et les cantons encouragent le plurilinguisme des enseignants et des apprenants.

  2. La Confédération et les cantons s’engagent dans le cadre de leurs attributions en faveur d’un enseignement des langues étrangères qui, au terme de la scolarité obligatoire, assure des compétences dans une deuxième langue nationale au moins, ainsi que dans une autre langue étrangère. L’enseignement des langues nationales prendra en compte les aspects culturels liés à un pays multilingue ».

En outre, l’article 16 prévoit notamment que la Confédération peut accorder des aides financières aux cantons pour encourager l’enseignement d’une deuxième ou troisième langue nationale.

Représentation de l’histoire et de la culture juive dans les programmes scolaires

Constats du premier cycle

137. Dans son premier avis, le Comité consultatif encourageait les autorités à veiller à ce que les programmes scolaires tiennent davantage compte de l’histoire et des préoccupations de la communauté juive ainsi que des phénomènes liés à l’antisémitisme.

Situation actuelle

Evolutions positives

138. Un certain nombre d’initiatives louables ont été prises pour renforcer l’intérêt porté à l’histoire, à la culture et à la religion de la communauté juive dans les programmes d’enseignement et les activités scolaires. Par exemple, une « Journée de la Mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité » est célébrée le 27 janvier de chaque année scolaire depuis 2004 et un support pédagogique intitulé « Survivre et témoigner : les rescapés de l’Holocauste en Suisse » a été publié en janvier 2007. Le Comité consultatif a été ravi d’entendre les représentants de la communauté juive exprimer leur satisfaction quant au contenu des programmes scolaires. Le Comité consultatif rappelle cependant la nécessité de combattre avec vigueur les actes d’antisémitisme enregistrés actuellement (voir les commentaires relatifs à l’article 6, ci-dessus).

Promotion de la langue et de la culture des gens du voyage

Constats du premier cycle

139. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait avec satisfaction que les autorités fédérales avaient entamé des discussions avec les gens du voyage afin de mieux connaître leurs besoins linguistiques et culturels et les encourageait à soutenir de nouvelles initiatives dans ce domaine. Il constatait également des difficultés dans l’accès à l’enseignement pour les enfants des gens du voyage pratiquant un mode de vie itinérant.

Situation actuelle

  1. L’Office fédéral de la culture a proposé à de nombreuses reprises un soutien financier à la communauté yéniche pour des projets linguistiques. L’Association des gens du voyage estimait récemment que les efforts de promotion du yéniche ne devaient se poursuivre qu’à des fins de communication entre les membres de la communauté et indiquait qu’elle rejetterait toutes les mesures visant à ouvrir cette langue à d’autres groupes culturels. Durant sa visite, le Comité consultatif a été informé que d’autres représentants yéniches estiment que la Confédération devrait développer une politique culturelle plus large pour les Yéniches, les Sinti et les Roms, en particulier dans le domaine de l’éducation où il est nécessaire de développer de nouveaux projets. Le Comité consultatif note avec satisfaction que l’Office fédéral de la culture est pleinement conscient de la situation et s’est à nouveau déclaré prêt à soutenir les projets de promotion de la langue yéniche en coopération étroite avec les Yéniches eux-mêmes. En avril 2007, des représentants des gens du voyage ont présenté un projet sur la langue yéniche qui visait à recenser le vocabulaire yéniche existant et à encourager la diffusion et l’utilisation de cette langue au sein de la communauté yéniche.

  2. S’agissant des difficultés signalées dans l’accès à l’éducation pour les enfants des gens du voyage pratiquant un mode de vie itinérant, les gens du voyage considèrent de manière générale que la situation est satisfaisante. Tout en saluant le fait que cette question puisse maintenant être évoquée de manière plus ouverte avec les personnes concernées, les autorités se déclarent prêtes

à envisager des mesures complémentaires pour aider les enfants concernés à améliorer leur niveau scolaire, par exemple par la mise en place d’une aide éducative dans les aires de stationnement et de transit. De telles mesures devraient contribuer à permettre aux enfants des gens du voyage de terminer des formations professionnelles et supérieures.

Recommandations

  1. La Suisse devrait continuer ses efforts de promotion de la langue et de la culture des gens du voyage par différents projets éducatifs menés en étroite coopération avec les personnes concernées et tenant dûment compte des différents points de vue représentés au sein de la communauté yéniche.

  2. Les mesures destinées à faciliter la fréquentation scolaire régulière des enfants des gens du voyage pratiquant un mode de vie itinérant devraient être maintenues et développées si nécessaire. Une attention constante devrait être accordée au renforcement de la compréhension de la part des autorités scolaires et des élèves de la population résidente.

Article 13 de la Convention-cadre

Langue d’enseignement dans les établissements privés

Constats du premier cycle

144. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que la législation de certains cantons comportait des restrictions concernant la langue d’enseignement dans les écoles privées et invitait les autorités à veiller à ce que ces dispositions légales n’empêchent pas de répondre à d’éventuels besoins en la matière, en particulier pour les italophones résidant dans les grandes villes telles que Berne.

Situation actuelle

  1. Les autorités affirment que les restrictions imposées par certains cantons concernant la langue d’enseignement dans les écoles privées ont pour but de promouvoir l’intégration, de maintenir la répartition traditionnelle des langues et, de ce fait, de protéger les langues minoritaires. Ces restrictions, qui n’existent que dans trois cantons, protègent par exemple l’italien dans le canton du Tessin et contribuent à éviter la germanisation de la partie minoritaire francophone du canton de Berne. Ces lois cantonales prévoient toutes des exceptions, l’une d’entre elles étant l’école francophone cantonale de la ville de Berne.

  2. Dans la pratique, il n’y a aucun cas connu de refus d’une autorisation de création d’une école privée utilisant une langue minoritaire. En particulier, cela n’a pas été le cas pour l’italien dans les grandes villes. Dans ce contexte, les autorités rappellent que dans la plupart des cantons, les élèves italophones peuvent suivre, dans le cadre de l’enseignement primaire, des cours de langue et culture italiennes organisés par les consulats et l’Ambassade d’Italie (voir commentaires relatifs à l’article 14 ci-dessous).

Recommandation

147. Les autorités cantonales compétentes devraient continuer à veiller à ce que la mise en œuvre des lois pertinentes sur l’enseignement privé n’entraîne pas de restrictions injustifiées au droit de créer et de gérer des écoles privées proposant un enseignement dans une langue minoritaire.

Article 14 de la Convention-cadre

Enseignement des langues minoritaires

Constats du premier cycle

148. Dans son premier avis, le Comité consultatif concluait que les personnes appartenant à une minorité linguistique ont toutes la possibilité d’apprendre leur langue dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire, et ce quel que soit le canton où elles résident.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Un examen plus approfondi de la situation sur la base des informations fournies par le Secrétariat de la CDIP révèle que la situation n’est pas uniforme s’agissant de l’italien et du romanche. Mis à part les cantons des Grisons et du Tessin, où il existe un enseignement en italien (ou du moins un enseignement de l’italien en dehors des communes italophones dans le canton des Grisons), 17 cantons proposent des cours d’italien en option, généralement entre 2 et 4 heures par semaine, à compter des deux dernières années de l’enseignement obligatoire ; un canton propose même l’enseignement de l’italien à compter de la 5e année de l’école primaire. Au-delà de l’enseignement obligatoire, l’italien est proposé en tant que cours optionnel dans tous les cantons. En outre, des cours d’italien sont proposés dans de nombreux cantons et villes à l’initiative des représentations diplomatiques et consulaires de l’Italie.

    1. En ce qui concerne le romanche, le Comité consultatif n’a pas connaissance de l’existence de cours de langues optionnels dans l’enseignement obligatoire en dehors du canton des Grisons, mais il n’a pas été confronté à des demandes allégeant l’existence de besoins particuliers en la matière. Il est toutefois utile de rappeler l’existence d’une section bilingue allemand-romanche dans une école de la commune de Coire (la capitale des Grisons, qui est située en dehors de la zone traditionnelle romanche), section qui a connu un succès considérable depuis sa création. D’autres écoles bilingues existent dans le canton des Grisons et l’expérience laisse à penser qu’elles répondent à des besoins réels de la part des personnes appartenant aux minorités.

    2. b) Questions non résolues
  2. D’après les informations reçues de la CDIP, il y a actuellement six cantons qui ne proposent pas de cours d’italien optionnels avant la fin de l’enseignement obligatoire, à savoir Fribourg, Genève, Glaris, Obwald, Schaffouse et Turgovie. Les motifs généralement avancés pour expliquer cette situation ne sont pas entièrement clairs mais vont d’un prétendu manque de besoins significatifs à l’existence des cours de langues proposés en complément par les représentations diplomatiques et consulaires de l’Italie, en passant par l’exigence générale du maintien de la répartition traditionnelle des langues. Depuis l’adoption du traité intercantonal « HarmoS » en juin 2007, il est question que les six cantons concernés alignent leurs pratiques sur la majorité des cantons et qu’ils proposent à l’avenir également des cours d’italien optionnels dans le cadre de l’enseignement obligatoire.

  3. Tout en reconnaissant que l’article 14(1) de la Convention-cadre n’implique en principe pas d’actions positives de la part de l’Etat, il importe que le droit d’apprendre une langue minoritaire dans le cadre de l’enseignement obligatoire reste une possibilité réelle et non simplement une possibilité théorique et abstraite. Dans ce contexte, les observations des

représentants de la minorité italophone mettent en évidence des lacunes dans les possibilités d’apprentissage de l’italien dans certains cantons, et notamment dans les grandes villes comptant un nombre important d’italophones. L’offre de cours d’italien organisés et soutenus par les missions consulaires d’Italie est certes considérée comme un complément utile, mais elle n’est pas perçue par les personnes concernées comme remplaçant les cours d’italien qui font partie intégrante du système éducatif et des programmes scolaires cantonaux respectifs.

153. En dépit des initiatives louables menant vers une harmonisation progressive de l’enseignement obligatoire en Suisse par l’introduction de standards éducatifs uniformes et mesurables basés sur le traité intercantonal HarmoS précité, il subsiste un besoin de disposer de données statistiques plus précises et comparables, notamment en ce qui concerne l’offre de cours de langues et l’utilisation qui en faite en pratique, notamment en ce qui concerne les cours d’italien en dehors des cantons du Tessin et des Grisons. Ces données permettraient de définir de manière plus précise la situation actuelle et les éventuels besoins en la matière.

Recommandation

154. Les autorités compétentes devraient poursuivre leurs efforts de promotion du multilinguisme par le processus d’harmonisation des critères d’enseignement des langues dans l’enseignement obligatoire. Les autorités pourraient envisager de compléter l’offre existante de cours d’italien optionnels en dehors des zones où cette langue est traditionnellement parlée, une fois que les besoins auront été examinés plus en détail. Dans ce contexte, des mesures complémentaires pourraient être prises pour recueillir davantage de données statistiques relatives à l’offre de cours de langues et l’utilisation qui en faite en pratique.

Langue d’enseignement primaire dans les cantons bilingues

Constats du premier cycle

  1. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que la possibilité, pour les personnes appartenant à une minorité linguistique, de recevoir un enseignement primaire complet dans leur langue était limitée en pratique par le principe de territorialité.

  2. Le Comité consultatif notait que des expériences pilotes d’enseignement bilingue avaient été menées au niveau communal dans plusieurs cantons et que l’application du principe de la territorialité n’y avait le plus souvent pas fait obstacle. Il encourageait la création de telles filières/écoles bilingues et invitait les cantons à s'engager dans cette voie, en particulier dans les grandes villes du pays où il n’existe aucun risque pour le maintien de l’équilibre linguistique et où de nombreuses personnes appartenant aux minorités linguistiques résident sans pouvoir bénéficier d’un enseignement dans leur langue, notamment au niveau primaire.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Le Comité consultatif note avec satisfaction que le choix de la langue d’enseignement et l’inscription dans les écoles communales correspondantes ont occasionné moins de problèmes dans la pratique, tant d’après les autorités que les représentants des minorités linguistiques. Cela s’explique par l’évolution de la jurisprudence du Tribunal fédéral ainsi que par d’importantes réformes constitutionnelles et législatives menées dans certains cantons multilingues. Dans l’examen de situations individuelles, davantage de poids est désormais accordé à la liberté de la langue par rapport au principe de territorialité et à l’intérêt public lié à la protection stricte de l’homogénéité linguistique des régions concernées.

  2. Dans le canton du Valais, la loi prévoit qu’un enfant doit fréquenter l’école de son lieu de résidence, mais des exceptions à cette règle sont prévues. Ainsi, un enfant germanophone peut fréquenter l’école maternelle (préscolaire) et l’école primaire dans les villes de Sion (la capitale cantonale) et Sierre, qui offrent toutes deux un enseignement en allemand bien qu’elles soient situées dans la zone francophone. Légalement et administrativement, cela ne pose aucun problème bien que le principe de territorialité reste valable dans ce canton. En outre, le Valais a ouvert la voie en matière d’instruction bilingue dans l’enseignement public et un certain nombre de communes, dont Sion, ont mis en place des projets d’enseignement bilingue dès l’école maternelle ou primaire, qui ont donné des résultats positifs.

  3. Dans le canton de Berne, l’application du principe de territorialité en relation avec la liberté de la langue est également devenue plus flexible dans certains cas. Des solutions louables ont été mises en place pour simplifier la situation et/ou renforcer la protection des personnes appartenant à la minorité francophone. Par exemple, le principe de personnalité est appliqué dans le district bilingue de Bienne, ce qui garantit une liberté de choix totale s’agissant de la langue d’enseignement. De même, les parents résidant dans la commune germanophone de Nidau peuvent choisir d’envoyer leur enfant dans une école francophone voisine ; plusieurs projets de développement de l’enseignement bilingue au-delà de l’enseignement obligatoire y sont également menés, y compris dans des zones qui ne sont pas situées près de la frontière linguistique.

    1. Dans le canton de Fribourg, le contentieux relatif au changement de cercle scolaire pour des raisons linguistiques ne semble plus d’actualité. L’équilibre à trouver entre la liberté de la langue et le principe de territorialité est maintenant clarifié, y compris dans la nouvelle Constitution qui tempère le principe de territorialité en énonçant que les autorités doivent veiller à la répartition territoriale traditionnelle des langues et « prendre en considération les minorités linguistiques autochtones »30. Le principe de territorialité est maintenant appliqué de manière plus pragmatique à la frontière linguistique, ce qui permet aux enfants de recevoir un enseignement dans la langue officielle de leur choix. Certaines communes du district de la Sarine (à majorité francophone) sont même allées plus loin : bien qu’elles n’aient eu que temporairement des minorités germanophones importantes, voire aucune durant les cent dernières années, elles autorisent les élèves germanophones à suivre un enseignement en allemand dans la ville de Fribourg.

    2. b) Questions non résolues
  4. Bien que l’on ait introduit davantage de flexibilité dans le choix de la langue d’enseignement à la frontière linguistique, certains représentants des minorités linguistiques et différents milieux de la société civile considèrent que l’on pourrait faire davantage encore pour étendre l’offre (au moins partielle) d’enseignement dans les langues nationales non traditionnellement présentes dans les communes en question. Le Comité consultatif estime que la nouvelle loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques, qui vise à promouvoir le plurilinguisme dans le domaine de l’éducation en ses articles 14 à 17, pourrait être utile à cet égard. L’expérience montre aussi que la création de classes/écoles bilingues pourrait se poursuivre sans menacer l’équilibre existant entre la liberté de la langue et le principe de territorialité, tout en respectant l’importante autonomie dont jouissent les cantons dans la détermination de l’utilisation officielle de leurs langues ainsi que leurs pouvoirs dans le domaine de l’éducation.

30 Voir article 6(2) de la Constitution de Fribourg.

Recommandation

162. Les autorités devraient continuer à faire preuve de flexibilité dans les décisions individuelles permettant aux enfants de bénéficier d’un enseignement dans l’autre langue officielle proposé par une commune voisine. Les efforts devraient être poursuivis pour encourager le plurilinguisme dans le domaine de l’éducation.

Langue de l’enseignement primaire dans le canton des Grisons

Constats du premier cycle

163. Le Comité consultatif notait que la liberté reconnue aux communes grisonnes pour statuer sur la langue d’enseignement dans les écoles primaires publiques pouvait présenter certains risques en raison de l’absence de critères clairs quant à la langue d’enseignement, et considérait que la plus grande retenue s’imposait dans l’examen d’un éventuel changement de la langue d’enseignement au niveau communal, notamment le long de la frontière linguistique.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Dans le canton des Grisons, l’article 16(2) de la loi scolaire du 26 novembre 2000 contient une disposition particulière qui autorise les enfants à s'inscrire dans les écoles des communes voisines proposant un enseignement dans une langue minoritaire (romanche ou italien). Cette possibilité est toutefois rarement utilisée dans la pratique.

    1. La nouvelle loi sur les langues du canton des Grisons règle la question du choix des langues en appliquant des critères bien définis, qui donnent à juste titre plus de poids au principe de territorialité que ce n’est le cas dans les cantons bilingues. Le Comité consultatif se félicite vivement de ces nouvelles garanties, qui renforcent l’enseignement dans les langues minoritaires, notamment dans les communes où le romanche et l’italien sont menacés. Les communes sont classées comme monolingues ou multilingues selon les mêmes critères que ceux employés pour les langues officielles (voir commentaires relatifs à l’article 10 ci-dessus). Dans l’intérêt de préserver une langue cantonale menacée, le Gouvernement cantonal peut, à la demande de la commune concernée, autoriser des exceptions en ce qui concerne le choix de la langue d’enseignement31. Dans les communes monolingues, l’enseignement se fait dans la langue officielle de la commune (première langue). Dans les communes multilingues, l’enseignement est dispensé dans la langue autochtone (première langue)32. Dans les communes où le pourcentage de la population appartenant à une minorité linguistique autochtone est d’au moins 10%, le romanche ou l’italien doivent être proposés pendant toute la durée de la scolarité obligatoire33. Tout changement de la langue d’enseignement est soumis aux mêmes exigences qu’un changement de langue officielle (voir commentaires relatifs à l’article 10 ci-dessus).

    2. b) Questions non résolues
  2. A ce jour, il n'y a eu que très peu de changements de la langue d’enseignement dans les communes des Grisons. La dernière commune à avoir abandonné le romanche pour passer à l’allemand en tant que langue d’enseignement était Bergün en 1983. D’autres communes ont

31 Voir article 18(3) de la loi cantonale sur les langues. 32 Voir article 20(1) de la loi cantonale sur les langues. 33 Voir article 20(3) de la loi cantonale sur les langues.

opté pour l’allemand (Ilanz, Domat), bien que cela ne constitue pas un changement proprement dit puisqu’elles n’avaient jamais eu d’écoles primaires auparavant.

Recommandations

167. Les efforts visant à renforcer la position de l’italien et du romanche en tant que langues d’enseignement dans les communes concernées devraient être poursuivis. Un dialogue régulier entre les autorités cantonales et communales est nécessaire pour mettre en oeuvre les nouvelles garanties législatives en tenant dûment compte de la situation globale des langues dans le canton des Grisons.

Article 15 de la Convention-cadre

Représentation des minorités dans l’administration publique fédérale

Constats du premier cycle

168. Dans son premier avis, le Comité consultatif notait avec satisfaction que le cadre institutionnel permettait une participation politique très large des minorités linguistiques en Suisse, tant au niveau fédéral que cantonal. Le Comité consultatif concluait également que les personnes appartenant aux minorités linguistiques étaient en général équitablement représentées dans l’administration fédérale.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

  1. Plusieurs motions parlementaires ont encouragé une meilleure mise en œuvre des directives adoptées par le Gouvernement pour une représentation latine34 accrue au sein de l’administration fédérale. Elles ont par exemple demandé à ce que les italophones soient valorisés dans les avis de vacance de la Confédération, ou ont souligné la nécessité de veiller à une représentation équitable des minorités linguistiques dans les Offices fédéraux, tant au niveau de la direction que de l’ensemble des agents. Des efforts sont également faits pour sensibiliser les cadres à la nécessité de recruter des francophones, des italophones et des locuteurs de romanche lorsqu’il y a des avis de vacance.

    1. Dans le canton des Grisons, l’article 6 de la nouvelle loi sur les langues exige maintenant explicitement qu’en présence de candidats ayant des qualifications équivalentes dans les procédures de recrutement, la préférence soit donnée à ceux qui maîtrisent une deuxième ou troisième langue officielle.

    2. b) Questions non résolues
  2. Bien que l’Office fédéral du personnel recueille des données quantitatives ventilées par affiliation linguistique des fonctionnaires, il y a un manque de données qualitatives fiables dans ce domaine. Ces données permettraient de faire la lumière sur la représentation réelle des minorités latines aux postes de cadres dans les différents Offices et Départements fédéraux, et contribueraient à mieux cerner le problème périodiquement soulevé de sous-représentation des minorités latines à haut niveau.

34 Cette expression englobe les personnes appartenant aux minorités francophone, italophone et romanche.

Recommandation

172. Des mesures supplémentaires devraient être prises pour recueillir des données qualitatives sur la représentation des minorités linguistiques au sein de l’administration fédérale. Les efforts visant à améliorer la représentation des minorités linguistiques, y compris aux postes de cadres, devraient être intensifiés.

Participation à la vie sociale et économique

Constats du premier cycle

173. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que les taux de chômage relevés en Suisse romande et au Tessin étaient en moyenne plus élevés que ceux enregistrés dans les cantons alémaniques et que les entreprises avaient de plus en plus tendance à redéployer leurs centres de décision dans les grandes villes, le plus souvent en Suisse alémanique.

Situation actuelle

Evolutions positives

  1. Les indicateurs macroéconomiques ont montré des améliorations notables depuis le premier cycle de suivi, et ce dans la plupart des secteurs et régions, y compris en ce qui concerne les taux de chômage en Suisse romande et dans le Tessin.

  2. Ces dernières années, la Suisse a entamé un vaste processus de réforme avec le lancement de sa Nouvelle Politique Régionale (NPR). La NPR vise à améliorer la compétitivité de certaines régions et notamment à aider les zones périphériques à exploiter leur potentiel au maximum en assurant la promotion de l’esprit d’entreprise et de la capacité d’innovation. Indirectement, elle a pour objet de contribuer au maintien et à la création d’emplois, de promouvoir l’installation décentralisée et de mettre fin aux inégalités régionales. Une aide fédérale annuelle de près de 70 millions de francs suisses est prévue, sous la forme d’une assistance financière, de prêts à faibles taux d’intérêt pour des projets d’infrastructures et sous la forme d’exonérations fiscales pour attirer les sociétés étrangères dans le pays. Le Parlement a adopté le projet de loi correspondant en 2006, et la loi devrait entrer en vigueur en 2008.

  3. La réforme de la péréquation financière et de la répartition des responsabilités entre la Confédération et les cantons, approuvée par référendum en novembre 2004, permettra également de réduire les disparités régionales. Cette réforme, qui devrait entrer en vigueur début 2008, vise en particulier à garantir une plus grande liberté d’action aux cantons dans l’exercice de leurs tâches. A l’avenir, les décisions prises devraient être plus proches des populations concernées, de manière à mieux prendre en considération les besoins des minorités. Un autre objectif fondamental de cette réforme est la péréquation entre les cantons sur la base de leurs ressources potentielles. Le système actuel de péréquation financière sera remplacé par un lissage des ressources. De même, par une péréquation des charges, certains cantons devant supporter des charges particulières recevront un soutien approprié de la Confédération. Cela s’applique aux cantons de montagne tels que les Grisons, le Tessin et le Valais.

Recommandation

177. La Suisse devrait poursuivre ses efforts pour mettre en œuvre une nouvelle politique de réduction des disparités régionales et développer des projets en association avec les populations minoritaires concernées, notamment dans les cantons alpins.

Mécanismes de participation pour les gens du voyage

Constats du premier cycle

178. Dans son premier avis, le Comité consultatif constatait que les mécanismes de participation pour les gens du voyage restaient inadaptés et invitait les autorités fédérales à envisager la possibilité de renforcer les compétences de la Fondation en matière de coordination, ainsi que la composition de ses organes. Il invitait également les cantons à revoir leurs mécanismes de consultation des gens du voyage et à les renforcer le cas échéant.

Situation actuelle

a) Evolutions positives

    1. Le rapport préparé par le Gouvernement sur la situation des gens du voyage en octobre 2006 souligne le rôle unique joué par la Fondation, dont la mission consiste à améliorer les conditions de vie des gens du voyage et à préserver leur identité culturelle35. Ce rapport souligne également l’importance de l’Association des gens du voyage, qui en tant qu’organisme de coordination des gens du voyage veille, de par sa représentation statutaire au sein du conseil d’administration de la Fondation, à ce que les mesures proposées par la Fondation servent effectivement les intérêts des personnes concernées, et contribue à surmonter la méfiance des gens du voyage à l’égard des autorités. L’Association a notamment mené des actions de sensibilisation de la population en général aux besoins des gens du voyage.

    2. b) Questions non résolues
  1. Un renforcement de la coopération entre les autorités et les gens du voyage par l’intermédiaire de la Fondation est nécessaire, comme l’ont laissé entendre la Fondation et l’Association des communes suisses durant la consultation sur le rapport. Ces organisations estiment que le soutien à la Fondation et à l’Association des gens du voyage doit être renforcé pour qu'elles puissent travailler de manière efficace (voir commentaires relatifs à l’article 5 cidessus). Le Gouvernement a également reconnu qu’un manque évident d’instruments juridiques et de moyens financiers empêche la Fondation d’influer par ses initiatives sur la volonté politique des cantons et des communes de créer de nouvelles aires de stationnement et de transit. Il est encore possible d’élargir les compétences de la Fondation, de renforcer la position des gens du voyage dans son conseil d’administration – ils y sont actuellement en minorité – et de consolider la structure financière de la Fondation et de l’Association des gens du voyage. Ces mesures pourraient être encouragées par l’introduction de nouvelles garanties législatives dans le projet de loi fédérale sur la promotion de la culture (voir commentaires relatifs à l’article 5 cidessus).

  2. Les gens du voyage eux-mêmes pouvant avoir des points de vue variés sur certaines questions, telles que la promotion de leur langue et de leur culture, il importe que les avis et préoccupations exprimés en dehors de la Fondation et de l’Association des gens du voyage soient, eux aussi, pris en considération et que les politiques publiques soient conçues et mises en application en tenant compte de la diversité des opinions au sein de la communauté des gens du voyage (voir commentaires relatifs à l’article 5 ci-dessus).

35 Le conseil d’administration de la Fondation, qui inclut cinq représentants des gens du voyage, deux représentants de l’Association des communes suisses, deux représentants des cantons et deux représentants de la fonction publique fédérale, est présidé par un ancien sénateur.

  1. En dépit d’efforts louables de la Fondation pour essayer de coordonner les initiatives visant à répondre aux besoins des gens du voyage en termes d’aires de stationnement et de transit, il subsiste un manque évident de coordination entre les cantons, ainsi qu’une absence de forum de décision institutionnalisé qui examinerait ces questions de manière régulière (voir commentaires relatifs à l’article 5 ci-dessus).

  2. Au niveau cantonal et communal, il n’y a pas de mécanismes spéciaux de consultation des gens du voyage, par exemple en matière d’aménagement du territoire ou d’éducation. Pour ce qui est de la question des aires de stationnement et de transit, le Gouvernement reconnaît que la participation systématique des organisations représentant les gens du voyage aux procédures de consultation communales sur les questions législatives et les projets concrets permettrait de mieux tenir compte de leurs besoins. En outre, bien que certains cantons aient fait des efforts pour inclure plus systématiquement les gens du voyage dans les procédures et les décisions les concernant, notamment en les invitant à participer à des discussions et/ou des comités ad hoc, aucun dialogue systématique n’a été établi dans la majorité des cantons.

Recommandations

  1. Le Comité consultatif encourage les autorités à réviser le mandat de la Fondation de manière à renforcer ses pouvoirs dans certains domaines et à donner plus de poids aux représentants des gens du voyage. La possibilité d’identifier des formes de soutien financier supplémentaire devrait aussi être explorée (voir les commentaires pertinents au paragraphe 65 ci-dessus).

  2. Des formes de consultation plus systématiques des gens du voyage devraient être introduites au niveau cantonal. Des mécanismes intercantonaux plus efficaces et coordonnés devraient aussi être mis en place pour répondre à leurs besoins particuliers.

Articles 17 et 18 de la Convention-cadre

Effet des accords bilatéraux en vigueur sur les gens du voyage

Situation actuelle

186. Tout en saluant le fait que les gens du voyage de l’UE puissent s’arrêter et travailler en Suisse jusqu’à 90 jours grâce à une simple notification à la commune, les gens du voyage suisses regrettent qu’ils ne soient eux-mêmes autorisés à rester que huit jours sans permis de travail dans les pays de l’UE. Le Comité consultatif croit comprendre que cette situation, qui est spécifique au domaine du commerce itinérant, résulte d’une interprétation apparemment restrictive des accords bilatéraux en vigueur entre la Suisse et l’UE sur la libre circulation des personnes.

Recommandation

187. Le Comité consultatif encourage les autorités suisses à examiner les différents moyens – y compris par la coopération bilatérale, le cas échéant – d’améliorer la situation des gens du voyage suisses qui souhaitent pratiquer leur mode de vie itinérant dans les pays de l’UE limitrophes.

III. REMARQUES CONCLUSIVES

188. Le Comité consultatif estime que les présentes remarques conclusives pourraient servir de base aux conclusions et recommandations qui seront adoptées par le Comité des Ministres à l’égard de la Suisse.

Evolutions positives

  1. La Suisse a pris nombre de mesures pour améliorer la mise en œuvre de la Convention-cadre suite au premier avis du Comité consultatif de février 2003 et à la Résolution du Comité des Ministres de décembre 2003. Le cadre constitutionnel et juridique a été complété dans plusieurs domaines aux niveaux fédéral et cantonal, ce qui s’est traduit, notamment, par un renforcement sensible de la protection offerte aux minorités linguistiques. Ainsi, des mesures prometteuses de soutien des langues nationales vont être élaborées et soutenues par la nouvelle loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques.

  2. Le Gouvernement suisse a adopté, sur la question des gens du voyage, un rapport louable, à la fois critique et exhaustif, qui couvre les domaines allant de la discrimination et de la participation aux aires de stationnement. Les autorités fédérales ont montré davantage de compréhension quant à la gravité des problèmes qui se posent aux gens du voyage, et elles ont exprimé un engagement fort à les résoudre en coopération avec les autorités cantonales.

  3. Dans le domaine de l’éducation, des développements prometteurs se sont produits au niveau intercantonal : ils vont dans le sens d’une harmonisation véritable de l’enseignement des langues, d’une façon qui devrait maintenir l’enseignement précoce d’une seconde langue nationale pour permettre aux élèves de parvenir dans cette langue à égalité de compétence avec l’anglais. Des efforts ont été accomplis pour promouvoir le plurilinguisme des enseignants et des élèves, et la nouvelle législation fédérale sur les langues devrait ouvrir de nouvelles perspectives dans ce domaine.

  4. Le service public suisse de radiodiffusion comprend une large gamme d’obligations légales et de pratiques louables en termes de langues minoritaires. Parmi elles figurent l’obligation de diffuser des programmes de qualité égale en allemand, en français et en italien dans l’ensemble du pays, ainsi que celle de consolider la position du romanche. Les émissions de radio et de télévision en romanche ont sensiblement augmenté depuis le premier cycle de suivi.

  5. Les mécanismes de participation des personnes appartenant à des minorités linguistiques sont très développés aux niveaux fédéral et cantonal du fait du cadre institutionnel et du système fédéral. Des réformes de grande envergure ont été menées pour mettre en place une nouvelle politique régionale visant à accroître la compétitivité et à réduire les disparités économiques entre les régions. Ces réformes devraient avoir des effets positifs, notamment dans les cantons montagneux tels ceux des Grisons, du Tessin et du Valais qui sont des zones traditionnelles d’implantation de nombre de personnes appartenant à des minorités linguistiques.

Sujets de préoccupation

194. La généralisation des coupes budgétaires dans le secteur public a nui aux institutions qui assurent la promotion des droits de l’homme et des droits des minorités. Les discussions en cours sur la création éventuelle d’un office de médiateur et/ou d’une institution indépendante des droits de l’homme n’ont pas encore abouti, et la Commission fédérale contre le racisme a été affaiblie.

  1. La situation générale des locuteurs d’italien et de romanche vivant en dehors de leurs zones d’implantation traditionnelles ne s’est pas vraiment améliorée s’agissant des possibilités de bénéficier d’un soutien culturel et linguistique, notamment en termes d’accès à l’enseignement des langues.

  2. La place actuelle de l’italien tend à perdre de l’importance au sein des autorités fédérales, et plus particulièrement dans l’administration fédérale.

  3. Dans le canton des Grisons, le développement de l’utilisation quotidienne de l’italien et du romanche dans les contextes officiels est indispensable pour préserver l’identité du canton et donner effet à la nouvelle garantie constitutionnelle qui reconnaît que les langues nationales et officielles sont l’allemand, l’italien et le romanche, à part égale. Il faut également garantir que, dans les municipalités qui sont considérées comme multilingues conformément à la nouvelle loi cantonale sur les langues, les documents officiels soient, le cas échéant, régulièrement publiés aussi en romanche et en italien.

  4. À ce jour, il n’existe pas de base légale spécifique permettant de promouvoir l’identité et la culture des gens du voyage. Les institutions des gens du voyage ne reçoivent qu’un soutien public limité, et leur contribution à la vie de la société suisse n’est pas suffisamment reconnue et mise en valeur par les autorités.

  5. La pénurie d’aires de stationnement et de transit reste marquée en Suisse. On n’a guère enregistré de progrès dans ce domaine, et le nombre d’aires a même diminué depuis 2001. Dans plusieurs cantons, les propositions tendant à la création de nouvelles aires ont été gelées ou retirées devant certaines réactions négatives, y compris de la part de municipalités concernées. La réaffectation de terrains militaires appartenant à la Confédération ne semble pas avoir retenu l’intérêt des cantons pour diverses raisons, notamment de nature financière. En l’absence de garanties législatives fédérales supplémentaires, les instruments d’aménagement du territoire n’ont débouché sur la création de sites que dans de rares cas et après de longs délais.

  6. Il importe d’entamer un dialogue systématique aux niveaux cantonal et municipal, puisqu’il n’existe à l’heure actuelle aucun mécanisme de consultation des gens du voyage. Le manque d’instruments juridiques et financiers freine les efforts accomplis par la Fondation « Un avenir pour les gens du voyage suisses » pour influer sur la volonté politique des cantons et des municipalités et les encourager à créer de nouvelles aires de stationnement et de transit. De plus, la Fondation n’a que des compétences limitées.

Recommandations

201. Outre les mesures à prendre pour donner suite aux recommandations détaillées figurant dans les sections I et II de l’avis du Comité consultatif, les autorités sont invitées à prendre les mesures suivantes pour améliorer encore la mise en œuvre de la Convention-cadre :

-Prendre des mesures pour renforcer les institutions existantes assurant la promotion des droits de l’homme et la lutte contre la discrimination ;

-Accomplir des efforts particuliers en vue de la mise en œuvre intégrale de la nouvelle législation fédérale sur les langues, y compris la promotion plus active du multilinguisme, de la compréhension et des échanges entre les communautés linguistiques ;

-Poursuivre les efforts de promotion de l’usage officiel du romanche et de l’italien aux niveaux des municipalités et des districts dans le canton des Grisons, en veillant à la mise en application rapide de la nouvelle loi cantonale sur les langues ;

-Prendre des mesures complémentaires dans le canton des Grisons pour encourager un usage accru, par le grand public et dans les systèmes administratif et judiciaire, de l’italien et du romanche tant qu’à l’oral qu’à l’écrit ;

-Poursuivre le processus d’harmonisation des exigences d’enseignement des langues dans la scolarité obligatoire et envisager d’élargir l’offre existante de cours facultatifs d’italien en dehors des zones où cette langue est traditionnellement parlée, sur la base des besoins existants ;

-Envisager d’introduire de nouvelles garanties législatives fédérales afin de faciliter et d’accélérer la planification et la création d’aires de stationnement et de transit pour les gens du voyage. Développer de meilleures incitations financières et autres pour promouvoir des actions des cantons et poursuivre les efforts en vue de la création d’aires de stationnement et de transit, y compris en réaffectant des terrains militaires. Renforcer la coopération intercantonale de la planification à l’exploitation d’aires de stationnement et de transit ;

-Poursuivre les efforts visant à soutenir la culture et la langue des gens du voyage par le biais de divers projets éducationnels menés en étroite coopération avec les intéressés, et faciliter la fréquentation scolaire régulière des enfants pratiquant un mode de vie itinérant ;

-Assurer la participation effective des représentants des gens du voyage aux travaux des divers organismes traitant des questions qui les concernent et créer des mécanismes de consultation systématique aux niveaux cantonal et municipal, en tant que de besoin.