COMITÉ CONSULTATIF DE LA
CONVENTION-CADRE POUR LA PROTECTION DES MINORITÉS NATIONALES
AVIS SUR LA MOLDOVA
Table des matières:
I. Etablissement du présent avis
II. Remarques générales
III. Commentaires spécifiques concernant les articles 1-19
IV. Principaux constats et commentaires du Comité consultatif
V. Remarques conclusives
RESUME
A la suite de la réception du Rapport étatique
initial de la Moldova le 29 juin 2000 (attendu pour le 1er février
1999), le Comité consultatif en a commencé l'examen lors de sa 9e réunion,
du 27 au 30 novembre 2000. Dans le cadre de cet examen, une délégation du
Comité consultatif s'est rendue en Moldova du 31 octobre au 5 novembre 2001,
afin d'obtenir des compléments d'information sur la mise en _uvre de la
Convention-cadre, auprès de représentants du gouvernement et d'ONG ainsi que
d'autres sources indépendantes. Le Comité consultatif a ensuite adopté son avis
sur la Moldova lors de sa 13e réunion, le 1er mars 2002.
Concernant la mise en oeuvre de la
Convention-cadre, le Comité consultatif considère que la Moldova a fait des
efforts appréciables afin d'établir un cadre légal et institutionnel pour la
protection des minorités nationales. Le Comité consultatif note également la
préoccupation de la Moldova pour la mise en oeuvre de la Convention-cadre dans
la pratique, notamment dans les domaines de l'éducation et de la culture.
Néanmoins, un nombre d'insuffisances et de difficultés subsistent dans des
domaines comme l'accès aux médias, la participation aux affaires publiques,
l'usage des langues minoritaires, notamment lorsqu'il s'agit de personnes
appartenant à des minorités nationales désavantagées ou numériquement moins
importantes.
Le Comité consultatif note l'adoption, en août
2001, d'une loi organique régissant la protection des minorités nationales et
considère que les changements législatifs requis pour la mise en oeuvre de
cette loi devraient être effectués sans retard, en consultation avec les
intéressés, afin d'assurer la cohérence de la législation moldave pertinente pour
ce domaine. Vu que la loi ci-dessus mentionnée prévoit un engagement étatique
substantiel en faveur de la langue russe, le Comité consultatif est d'avis que,
dans la mise en oeuvre de cette loi ainsi que de la nouvelle législation
afférente, les autorités moldaves devrait assurer une protection appropriée des
personnes appartenant à toutes les minorités nationales et de leurs identités
linguistiques et culturelles respectives, y compris de celles qui sont
désavantagées ou numériquement moins importantes.
S'agissant de la pratique, le Comité consultatif
note, tout en reconnaissant l'esprit de tolérance et de dialogue interethnique
présent dans la société moldave, que des tensions sont apparues autour des
mesures prises ou annoncées par le gouvernement dans le domaine linguistique.
Le Comité consultatif est d'avis que, afin d'apaiser les tensions et pour
éviter l'intolérance linguistique, une approche équilibrée s'impose dans ce
domaine. Il est essentiel, en vue de la préservation du dialogue interethnique,
que les intérêts légitimes de la majorité moldave ainsi que de toutes les
minorités nationales soient respectés.
Le Comité consultatif note l'existence d'une
division entre les médias de langue moldave et ceux de langue russe. De même,
il constate un important déséquilibre entre les différentes minorités
nationales, en ce qui concerne leur accès à et leur présence dans les médias.
Le Comité consultatif estime que les autorités devraient accorder un soutien
accru aux minorités nationales désavantagées dans ce domaine, notamment à la
minorité ukrainienne, afin d'assurer un équilibre en ce qui concerne l'accès à
et la présence dans les médias.
Le Comité consultatif est d'avis que, dans la
mise en oeuvre de la Convention-cadre dans le domaine de l'éducation, il est
essentiel qu'il y ait des consultations avec les intéressés sur toutes les
mesures envisagées, afin de pouvoir fournir une réponse équilibrée aux besoins
spécifiques des différentes minorités nationales et assurer leur accès
équitable aux ressources disponibles. Une attention spéciale devrait être
accordée aux minorités numériquement moins importantes et à celles qui ne
peuvent pas disposer du soutien d'un Etat-parent.
Malgré certaines initiatives récentes de la part
des autorités, le Comité consultatif est d'avis que la mise en oeuvre de la
Convention-cadre n'est pas totalement probante en ce qui concerne les Rom. Le
Comité consultatif est préoccupé par les graves difficultés socio-économiques
auxquelles se confrontent certains Rom, ainsi que par la discrimination dont
ils font l'objet dans certains domaines. Le Comité consultatif estime qu'une
action urgente de la part des autorités s'impose, afin d'améliorer la situation
de ces personnes et de favoriser leur réelle intégration dans la société moldave.
I. ETABLISSEMENT DU PRESENT AVIS
1. Le Rapport étatique initial de la Moldova
(ci-après: le Rapport étatique), attendu pour le 1er février 1999, a
été reçu le 29 juin 2000. Le Comité consultatif a commencé l'examen du Rapport
étatique lors de sa 9e réunion, qui s'est déroulée du 27 au 30
novembre 2000.
2. Dans le cadre de cet examen, le Comité
consultatif a identifié un certain nombre de points au sujet desquels il
souhaitait obtenir de plus amples informations. Il a donc adressé, en date du
14 juin 2001, un questionnaire aux autorités moldaves. Le gouvernement a
répondu à ce questionnaire le 4 octobre 2001.
3. Suite à l'invitation adressée par le
gouvernement de la Moldova et conformément à la règle 32 de la Résolution (97)
10 du Comité des Ministres, une délégation du Comité consultatif s'est rendue
en Moldova, du 31 octobre au 5 novembre 2001, afin d'obtenir des informations
complémentaires sur la mise en _uvre de la Convention-cadre de la part des
représentants du gouvernement ainsi que d'ONG et d'autres sources
indépendantes. Lors de l'établissement du présent avis, le Comité consultatif a
également consulté une série de documents provenant de différents organes du
Conseil de l'Europe, d'autres organisations internationales ainsi que d'ONG et
d'autres sources indépendantes.
4. Le Comité consultatif a ensuite adopté le
présent avis lors de sa 13e réunion, le 1er mars 2002 et a décidé de
le transmettre au Comité des Ministres1.
5. Le présent avis est soumis au Comité des
Ministres au titre de l'article 26 (1) de la Convention-cadre aux
termes duquel, lorsqu'il évalue l'adéquation des mesures prises par une Partie
pour donner effet aux principes énoncés par la Convention, «le Comité des
Ministres se fait assister par un comité consultatif» et conformément à l'article 23
de la Résolution (97) 10 susmentionnée, qui dispose que «le Comité
consultatif examine les rapports étatiques et transmet ses avis au Comité des
Ministres».
II. REMARQUES GENERALES
6. Le Comité consultatif regrette que le Rapport
étatique initial de la Moldova ait été reçu avec 17 mois de retard et note que
le Rapport met à sa disposition des informations d'ordre général sur le cadre
juridique et institutionnel existant en Moldova dans le domaine de la
protection des personnes appartenant aux minorités nationales à la date
d'établissement du rapport. En même temps, le Comité consultatif note que le
Rapport étatique ne donne que des informations succinctes sur plusieurs
articles de la Convention-cadre, en particulier pour ce qui est de la pratique pertinente,
et ne donne pas d'informations détaillées sur certaines minorités nationales.
7. Le Comité consultatif a pu néanmoins obtenir
un tableau beaucoup plus complet de la situation, y compris sur celle des
minorités numériquement faibles, grâce à la réponse écrite que le gouvernement
a apportée au questionnaire qui lui avait été soumis et surtout à la visite
effectuée en Moldova (voir paragraphe 3 du présent avis). Le Comité
consultatif estime que la visite organisée à l'invitation du gouvernement moldave
a été une bonne occasion de dialoguer directement avec les autorités étatiques
et diverses autres sources. Les informations complémentaires fournies par le
gouvernement et d'autres sources, notamment par des représentants de minorités
nationales, se sont révélées précieuses, surtout en ce qui concerne
l'application concrète des normes pertinentes et les évolutions plus récentes
dans ce domaine.
8. Le Comité consultatif prend acte de l'esprit
de coopération dont ont fait preuve les autorités moldaves tout au long du
processus qui a abouti à l'adoption de cet avis. Le Comité consultatif regrette
cependant que les autorités moldaves n'aient pas mené de consultations
approfondies avec les organisations représentatives des minorités nationales
durant le processus d'élaboration du Rapport étatique. Le Comité consultatif
veut croire que des consultations plus élargies aient lieu à l'avenir.
9. Le Comité consultatif se félicite d'une
manière générale des efforts déployés par le gouvernement en vue de la sensibilisation
de la population et des autorités concernées à la Convention-cadre. Le Comité
consultatif note avec satisfaction que la Convention-cadre est connue en
Moldova au sein des milieux intéressés et que, selon les différentes
informations à sa disposition, la Convention-cadre a contribué au moins en
partie au règlement amiable du problème de Taraclia en 1999. Néanmoins, le
Comité consultatif encourage le gouvernement à prendre d'autres mesures
destinées à accroître la sensibilisation à la Convention-cadre, à son rapport
explicatif ainsi qu'aux règles relatives à sa procédure de suivi au niveau
international, y compris par le biais de la publication et de la diffusion du
Rapport étatique et d'autres documents pertinents.
10. A titre de remarque préalable, il y a lieu de
souligner que, lorsqu'il a examiné les mesures prises pour donner effet aux
dispositions de la Convention-cadre, le Comité consultatif a pris en
considération uniquement le territoire se trouvant sous le contrôle effectif du
gouvernement. Le Comité consultatif note que la Moldova n'a ni formulé
de réserve/déclaration lors de la ratification de la Convention-cadre, comme ce
fut le cas lors de l'accession à la Convention Européenne des Droits de l'Homme2, ni fait
usage de la possibilité offerte par l'article 30 de la Convention-cadre de
désigner le ou les territoires pour lesquels elle entendait assurer les
relations internationales auxquels la Convention-cadre allait s'appliquer.
Cependant, des explications sont fournies à ce sujet par les autorités
moldaves dans le Rapport étatique, notamment sous l'article 19. Le Comité
consultatif prend note de ces explications et constate par ailleurs que le
Rapport étatique contient très peu d'informations sur la situation des
personnes appartenant aux minorités nationales vivant dans les territoires
échappant au contrôle effectif du gouvernement. De ce fait, la situation dans
ces zones dépasse le cadre de cet avis.
11. S'agissant des territoires échappant au
contrôle effectif du gouvernement, le Comité consultatif ne peut que se joindre
à ceux qui, nombreux, ont exprimé l'espoir qu'une solution politique juste et
durable sera trouvée afin de régler les problèmes existant. Le Comité
consultatif espère qu'une telle solution répondra aux intérêts de toutes les
personnes concernées, dans le respect de l'intégrité territoriale du pays et
des principes du droit international et en conformité avec l'article 21 de la
Convention-cadre. Le Comité consultatif souligne dans ce contexte que,
lorsqu'un accord politique mettra fin au conflit, il devra dûment prendre en
compte les dispositions de la Convention-cadre, afin de s'assurer que les
droits des personnes appartenant aux minorités nationales pourront être
respectés.
12. Le Comité consultatif souhaite également
préciser que, dans l'évaluation de la mise en oeuvre de la Convention-cadre par
la Moldova, il a pris en considération les graves difficultés économiques
auxquelles se confronte le pays à l'heure actuelle. Conscient du poids des
conditions socio-économiques dans la mise en _uvre de politiques et de mesures
exigeant en général des ressources financières adéquates, le Comité consultatif
tient à saluer les efforts déployés par les autorités dans le domaine de la
protection des minorités nationales et leur préoccupation pour la mise en
oeuvre de la Convention-cadre.
13. Le Comité consultatif note par ailleurs que,
à l'heure de l'adoption du présent avis, la vie politique moldave est marquée
par un nombre de développements ayant trait, entre autres, à la protection des
personnes appartenant aux minorités nationales. Le Comité consultatif regrette
que certaines mesures prises par les autorités moldaves concernant le statut de
la langue russe en Moldova ont engendré des tensions. Le Comité consultatif
exprime l'espoir que ces tensions seront apaisées à travers des mesures
équilibrées et dans un esprit de tolérance et que les intérêts légitimes de la
majorité moldave ainsi que de toutes les minorités seront respectés, dans
l'esprit de la Convention-cadre. Le Comité consultatif exprime l'espoir que ces
évolutions ne vont pas influencer de manière négative la mise en _uvre de la
Convention-cadre (voir également commentaires aux paragraphes 82 et 83
ci-dessous).
14. Dans la partie de l'avis qui suit, le Comité
consultatif déclare, pour certains articles, que l'application de l'article en
question n'appelle pas d'observations particulières compte tenu des
informations dont il dispose actuellement. Cela ne signifie pas que des mesures
suffisantes ont été prises et que les efforts en ce domaine peuvent être
ralentis ou arrêtés. Le Comité consultatif estime en effet que la nature des
obligations de la Convention-cadre exige des efforts soutenus et constants de
la part des autorités afin que soient respectés les principes et les objectifs
de la Convention-cadre. En outre, certaines situations, jugées acceptables à ce
stade compte tenu de l'entrée en vigueur récente de la Convention-cadre, ne le
seront plus nécessairement dans les prochains cycles de contrôle. Enfin, il se
peut que certains problèmes qui paraissent relativement mineurs actuellement se
révèlent avec le temps avoir été sous-estimés.
III. COMMENTAIRES SPECIFIQUES
CONCERNANT LES ARTICLES 1-19
Article 1
15. Le Comité consultatif note que la Moldova a
ratifié un large éventail d'instruments internationaux pertinents. D'après les
informations dont il dispose actuellement, le Comité consultatif considère que
la mise en _uvre de cet article ne donne pas lieu à d'autres observations
spécifiques.
Article 2
16. D'après les informations dont il dispose
actuellement, le Comité consultatif considère que l'application de cet article
ne donne lieu à aucune observation spécifique.
Article 3
17. Le Comité consultatif souligne qu'en
l'absence d'une définition dans la Convention-cadre elle-même, les Etats
parties doivent s'interroger sur le champ d'application personnel qu'ils
donneront à cet instrument dans leur pays. La position du gouvernement de la
Moldova est considérée comme procédant d'une telle réflexion.
18. Si le Comité consultatif note, d'une part,
que les Etats parties disposent d'une marge d'appréciation à ce sujet pour
prendre en compte les conditions propres à leur pays, il constate d'autre part
que cette marge d'appréciation doit s'exercer en conformité avec les principes
généraux du droit international et les principes fondamentaux énoncés à
l'article 3. Il souligne notamment que la mise en _uvre de la Convention-cadre
ne devrait pas être à l'origine de distinctions arbitraires ou injustifiées.
19. Pour cette raison, le Comité consultatif
estime qu'il lui incombe d'examiner le champ d'application personnel donné à la
Convention-cadre, afin de s'assurer qu'il n'engendre aucune distinction de ce
type. En outre, il considère qu'il est tenu de vérifier la bonne application
des principes fondamentaux énoncés à l'article 3.
20. Le Comité consultatif constate que le droit
pour toute personne appartenant à une minorité nationale de choisir librement
d'être traitée ou de ne pas être traitée comme telle est garanti par la
législation moldave, plus précisément par la Loi sur les droits des personnes
appartenant aux minorités nationales et de leurs associations (la loi n° 382 du
28 août 2001, entrée en vigueur le 4 septembre 2001, ci-après : la Loi sur
les personnes appartenant aux minorités nationales).
21. Le Comité consultatif se félicite de
l'adoption de cette loi par le Parlement moldave et prend note de la définition
de l'expression « minorité nationale » qu'elle contient: "par
personnes appartenant aux minorités nationales on entend les personnes ayant
leur domicile sur le territoire de la République de Moldova, qui en sont les
citoyens, qui ont des particularités ethniques, culturelles, linguistiques et
religieuses par lesquelles elles se distinguent de la majorité de la population
- les Moldaves - et qui se considèrent comme étant d'une origine ethnique
différente". Le Comité consultatif constate que la loi ne fournit aucune
liste des minorités nationales reconnues officiellement, laissant implicitement
entendre que toutes les personnes répondant aux critères regroupés dans la
définition précitée en font partie. Dans la loi sont mentionnées uniquement, à
titre d'exemple et de manière non exhaustive, les langues des minorités
nationales numériquement les plus importantes.
22. Le Rapport étatique précise, en se fondant
sur les statistiques officielles fondées sur le recensement de 1989, que les
minorités nationales représentent environ 35,5% de la population moldave, et
énumère, de façon non-exhaustive, les minorités nationales les plus importantes
numériquement: les Ukrainiens - 13,8%; les Russes - 13%; les Gagaouzes - 3,5%;
les Bulgares - 2%; les Juifs - 1%; les Biélorusses - 0,5%; les Rom - 0,3%; les
Allemands - 0,2%; les Polonais - 0,1%.
23. Le Comité consultatif apprécie le fait que
les autorités moldaves aient souhaité, à travers l'adoption de cette loi,
compléter le cadre juridique nécessaire à la protection des minorités
nationales, qui repose désormais, comme il est précisé à l'article 3 de la loi,
sur "la Constitution de la République de Moldova, la présente loi,
d'autres actes législatifs, ainsi que les traités et les accords internationaux
auxquels la République de Moldova est partie".
24. Le Comité consultatif prend note qu'il s'agit
d'une loi organique, qui appelle, en vue de sa mise en oeuvre effective,
l'adoption subséquente d'autres textes normatifs ainsi qu'à l'harmonisation de
la législation en vigueur avec ses propres dispositions. Le Comité consultatif
estime que les autorités devraient déployer tous les efforts nécessaires afin
que les changements législatifs requis par la loi précitée (qui indique à cet
effet un délai de 3 mois, arrivé à échéance le 4 décembre 2001) soient pris
sans tarder. A terme, le Comité consultatif estime que les autorités devraient
veiller à ce que l'ensemble des dispositions juridiques ainsi constitué soit
effectivement mis en application, en consultation et en coopération avec les
personnes concernées.
25. Le Comité consultatif constate que plusieurs
dispositions de la loi portent sur l'utilisation, la protection et la promotion
des langues minoritaires. Le Comité consultatif note que ces dispositions
accordent à la langue russe un statut privilégié en comparaison avec d'autres
langues minoritaires et prévoient un engagement substantiel de l'Etat en ce qui
concerne son apprentissage et son utilisation. Le Comité consultatif encourage
les autorités moldaves à veiller à ce qu'une attention appropriée soit accordée
aux besoins des personnes appartenant à toutes les minorités nationales vivant
sur le territoire de la Moldova, à travers des politiques et mesures
d'application de la législation pertinente conformes à la Convention-cadre.
26. S'agissant du droit d'une personne
appartenant à une minorité nationale de choisir librement d'être traitée ou de
ne pas être traitée comme telle, le Comité consultatif est d'avis qu'un
recensement constitue une bonne occasion pour permettre aux personnes
d'exprimer leur identité. Le Comité consultatif note que le dernier
recensement a été organisé en Moldova en 1989. Un nouveau recensement fut
initialement prévu en 1999, puis en avril 2001, mais fut reporté à chaque fois
faute de ressources. Au vu de cette situation, le Comité consultatif estime que
les autorités moldaves devraient organiser dès que possible un nouveau
recensement de la population, afin d'obtenir une image à jour de la composition
de la population moldave, et devraient encourager les personnes appartenant à
des minorités nationales à faire usage de la possibilité de déclarer leur
affiliation (voir également les commentaires relatifs à l'article 4 ci-après).
27. Le Comité consultatif note que les autorités
moldaves n'ont pas fourni d'informations sur l'existence d'autres groupes
linguistiques ou ethniques que le gouvernement ne considère pas, à ce stade,
comme protégés par la Convention-cadre. Le Comité consultatif est d'avis qu'il
serait possible d'envisager l'inclusion, le cas échéant, des personnes
appartenant à de tels groupes dans une application article par article de la
Convention-cadre. Il estime que les autorités moldaves devraient examiner cette
question en consultation avec les personnes concernées.
Article 4
28. En ce qui concerne la mise en oeuvre de
l'article 4, paragraphe 1, de la Convention-cadre, il convient de relever que
l'article 16 de la Constitution moldave consacre le principe de l'égalité des
citoyens "devant la loi et les autorités publiques, sans distinction
de leur race, nationalité, origine ethnique, langue, religion, sexe, opinion,
appartenance politique, fortune ou origine sociale". Le Comité consultatif
note également que l'article 4.1 de la loi sur les personnes appartenant aux
minorités nationales garantit à ces personnes le droit à l'égalité devant la
loi et une égale protection de la loi. L'article 4.2 de la même loi interdit
toute discrimination fondée sur l'appartenance à une minorité nationale.
29. D'autres textes législatifs contiennent à
leur tour des dispositions portant sur les principes de l'égalité et de la
non-discrimination, pour les personnes appartenant aux minorités nationales
comme pour tous les citoyens moldaves: le code électoral, la loi sur le service
public, le code de procédure pénale, le code de procédure civile, le code du
travail, la loi sur l'organisation de la justice, la loi concernant les
associations sociales. Des dispositions d'ordre pénal prévoient des sanctions
pour les cas de discrimination fondés sur des raisons linguistiques ainsi que
pour la création d'obstacles au "fonctionnement des langues" sur le
territoire du pays.
30. Le Comité consultatif salue les efforts
déployés sur le plan législatif dans la promotion de l'égalité et dans la lutte
contre la discrimination. Le Comité consultatif prend également note de
l'existence de voies de droit à la disposition des victimes d'inégalité ou de
discrimination, mais regrette que des difficultés apparaissent dans la
pratique. Selon le gouvernement, un exemple concerne le manque de ressources,
lors des recours juridictionnels, pour assurer la traduction des documents
pertinents dans les langues minoritaires (voir également les commentaires
relatifs à l'article 10 ci-après).
31. Le Comité consultatif tient à souligner qu'un
rôle important dans la lutte contre la discrimination revient aux organismes gouvernementaux
et aux organisations non gouvernementales moldaves oeuvrant dans le domaine de
la protection des droits de l'homme. Le Comité consultatif encourage les trois
avocats parlementaires à accorder une attention plus spécifique aux questions
liées à la protection des minorités nationales.
32. S'agissant de la mise en _uvre de la
législation anti-discrimination, le Comité consultatif constate qu'un nombre
limité de cas de discrimination a été porté à sa connaissance et que les
sources officielles ne disposent que de très peu d'informations à cet égard. Le
Comité consultatif estime qu'il est déconcertant de constater que les autorités
ne sont pas en mesure de fournir des informations sur le nombre et la nature
des cas de ce genre. Dans ces circonstances, il est impossible au Comité
consultatif d'évaluer l'application effective des mécanismes
anti-discrimination et par conséquent des principes énoncés par l'article 4 de
la Convention-cadre. De ce fait, le Comité consultatif estime qu'il est
impératif de renforcer les modalités d'évaluation des développements pertinents
dans ce domaine.
33. Plus précisément, le Comité consultatif a
reçu des plaintes de la part des représentants des Rom, qui estiment ne pas
bénéficier d'un traitement égal concernant leur reconnaissance en tant que
minorité nationale et le soutien accordé par les autorités. Bien que les Rom
disposent de plusieurs formes d'organisation (organisations de femmes rom, de
jeunes rom etc.), celles-ci ne bénéficient pas d'un support comparable à celui
que reçoivent les organisations d'autres minorités, comme la mise à disposition
de locaux pour développer leurs activités. D'après les informations qui ont été
fournies au Comité consultatif, certains Rom sont confrontés à un grave
phénomène d'exclusion sociale, faisant l'objet d'un véritable oubli au sein de
la société moldave - aussi bien au niveau des autorités que de la population,
qui semble ignorer la situation extrêmement grave dans laquelle ces personnes
se trouvent actuellement.
34. Le Comité consultatif note avec préoccupation
que certains Rom sont confrontés à des difficultés socio-économiques
considérables en comparaison avec la majorité et les autres minorités
nationales et qu'ils ne bénéficient pas des mêmes opportunités que le reste de
la population. Il apparaît que ces difficultés vont dans certains cas jusqu'à
l'absence de ressources indispensables pour pourvoir aux besoins élémentaires
(nourriture, eau potable, accès aux soins médicaux, transport, communication).
D'après leurs propres affirmations, les Rom font l'objet de discrimination dans
des domaines comme l'emploi (le chômage atteindrait au sein de cette communauté
des pourcentages très élevés), le logement, l'accès aux biens dans le cadre du
processus de privatisation, l'accès à l'éducation, l'accès aux soins médicaux,
la participation à la gestion des affaires publiques (voir également
commentaires relatifs aux articles 5, 12, 15).
35. Reconnaissant l'ampleur des difficultés
auxquelles sont confrontées les personnes appartenant à la minorité rom, le
Comité consultatif est d'avis que cette situation, reconnue par le
gouvernement, requiert la planification et l'application de mesures spéciales,
assorties de moyens financiers adéquats. Le Comité consultatif salue à cet
égard l'adoption, par le gouvernement, le 16 février 2001, de la Décision (n°
131) prévoyant des mesures de soutien à long terme (2001-2010) de la population
rom, dans des domaines comme la protection sociale, l'éducation, le
développement de la langue et de la culture rom. Le Comité consultatif
encourage le gouvernement à consulter régulièrement les représentants de cette
minorité, afin de pouvoir pleinement prendre en compte leurs conditions
d'existence et intérêts spécifiques, et à se baser, dans son action, sur les orientations
fournies par la Recommandation no (2001) 17 sur l'amélioration de la
situation économique et de l'emploi des Roms/Tsiganes et des
"Voyageurs" en Europe. Enfin, le Comité consultatif souligne que,
lors de la mise en oeuvre de mesures spéciales, une attention particulière
devrait être accordée aux femmes rom.
36. Le Comité consultatif souhaite attirer
l'attention sur une autre question pouvant avoir des incidences sur la
politique de la Moldova en matière de protection des minorités nationales, à
savoir le décalage entre les statistiques officielles du gouvernement et les
estimations de certaines minorités nationales, notamment les Rom, du nombre de
personnes appartenant aux minorités concernées et de leur situation. Le Comité
consultatif estime que l'absence de données fiables peut sérieusement
restreindre la capacité de l'Etat de concevoir, de mettre en _uvre et d'assurer
le suivi de mesures garantissant l'égalité pleine et effective des personnes
appartenant aux minorités nationales et rendre plus difficile pour les
organismes de surveillance internationaux de s'assurer que la Moldova
s'acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention-cadre.
Il considère donc que le gouvernement devrait identifier, en vue du prochain
recensement de la population, les possibilités les plus appropriées d'obtenir
des données statistiques fiables, tout en veillant au respect des principes
contenus dans la Recommandation n° (97) 18 du Comité des Ministres sur la
protection des données à caractère personnel collectées et traitées à des fins
statistiques. Ces données devraient être différenciées suivant l'âge, le sexe
et la répartition géographique (voir également les commentaires relatifs à
l'article 3 ci-dessus).
37. Le Comité consultatif est d'avis que le
gouvernement devrait consulter les minorités nationales, à travers leurs
associations, sur les modalités du recensement, en particulier sur le contenu
des formulaires afférents. Le Comité consultatif soutient également l'idée de
recruter et de former des observateurs appartenant à des minorités nationales,
observateurs qui pourraient jouer un rôle utile dans la sensibilisation des
minorités à l'importance du recensement.
Article 5
38. Le Comité consultatif reconnaît que, ces
dernières années, le gouvernement moldave a redoublé d'efforts malgré le manque
de ressources financières, afin de soutenir les minorités nationales dans la
préservation et le développement de leurs cultures. Le Comité consultatif
constate que, au sein de la société moldave, la multi-culturalité est perçue et
véhiculée comme une richesse nationale, et que la nécessité de promouvoir et de
développer cette richesse est reconnue de manière consensuelle. Le Comité
consultatif s'attend à ce que, dans la mise en oeuvre de la loi sur les
personnes appartenant aux minorités nationales, les autorités moldaves prennent
dûment en considération les besoins spécifiques des personnes appartenant aux
différentes minorités nationales, y compris les Rom, et à ce qu'elles
identifient les politiques les plus adaptées afin que cette loi puisse avoir un
impact réel sur la préservation et le développement des cultures et identités
de ces personnes.
39. Le Comité consultatif encourage également les
autorités moldaves à s'efforcer d'accompagner ces politiques du soutien
nécessaire, et à veiller à ce que les représentants des différentes minorités
nationales, y compris de celles qui sont désavantagées et de celles qui sont
numériquement moins importantes, soient consultés sur la répartition des aides
disponibles.
40. La consultation directe de toutes les
minorités, leur participation active à l'identification et à la réalisation
effective de telles politiques permettra aux minorités nationales, notamment à
celles numériquement moins importantes, de renforcer leurs identités, tout en
s'intégrant dans la société moldave. Ceci permettra en même temps d'éviter le
risque, porté à la connaissance du Comité consultatif par certaines sources,
que ces minorités se fondent au sein d'une population partageant un dénominateur
commun - la langue russe - mais disposant de peu d'espace pour le développement
de leurs identités distinctes.
41. Le Comité consultatif note avec satisfaction
que les minorités nationales ont accès à la "Maison des
nationalités", centre culturel mis en place par l'Etat, dans le cadre
duquel des événements culturels, des débats, des rencontres peuvent être
organisés. Le Comité consultatif a noté également des exemples de participation
et de soutien aux activités culturelles des minorités nationales de la part des
autorités locales. Ainsi la Mairie de Chisinau est très active dans
l'organisation d'événements à caractère multiculturel réunissant des
participants issus des différents groupes ethniques. Chaque année elle accorde
son soutien aux projets culturels des différentes communautés, s'implique dans
l'organisation des événements liés aux fêtes religieuses traditionnelles de ces
communautés.
42. S'agissant de la situation des Rom, le Comité
consultatif considère que leurs efforts visant la préservation et le
développement de leurs traditions, culture et identité ne sont pas suffisamment
soutenus. Tout en saluant les initiatives récentes du gouvernement, le Comité
consultatif demeure préoccupé par la situation actuelle de cette population et
encourage vivement les autorités moldaves à prendre sans tarder des mesures
concrètes pour que ces personnes puissent bénéficier, comme l'ensemble de la
population moldave, des conditions indispensables à leur pleine intégration
dans la société moldave. En même temps, il estime que, lors de la mise en
oeuvre de ces mesures, les autorités devraient veiller à ce que toutes les
conditions soient réunies pour que les Rom puissent préserver leur mode de vie
traditionnel, leur culture et leur identité.
Article 6
43. Le Comité consultatif note avec satisfaction
que le dialogue interculturel a été maintenu en Moldova et encourage les
autorités à poursuivre leurs efforts visant à promouvoir, de façon générale, un
climat de tolérance, de respect mutuel et de coopération entre toutes les
personnes vivant sur le territoire de la Moldova.
44. Le Comité consultatif note que, d'après les
informations dont il dispose, la société moldave est globalement caractérisée
par un climat de bonne entente et de respect mutuel, même si certains signes
d'intolérance interethnique subsistent. Le Comité consultatif note dans ce
contexte que le Code pénal prévoit des sanctions pour les actions incitant à la
haine raciale ou nationale.
45. Le Comité consultatif est en revanche
préoccupé par la division linguistique qui sépare deux groupes de population:
d'une part la majorité, parlant la langue d'Etat3, d'autre
part la population de langue russe, qui inclut non seulement les personnes de
langue maternelle russe mais également d'autres minorités slaves dont les
langues ne bénéficient pas du même niveau de protection que la langue
russe. Le Comité consultatif est d'avis que les autorités devraient
veiller à ce que les développements dans la politique linguistique visant à
accorder à la langue russe un statut plus élevé ne conduisent pas à un
renforcement de la division précitée. Vu qu'une telle division est susceptible
de donner naissance à des manifestations d'intolérance linguistique - aussi
bien de la part de la majorité que de la part des minorités nationales - le
Comité consultatif est d'avis que les autorités moldaves devraient accorder une
attention particulière à cette question dans l'application de la récente loi
sur les personnes appartenant aux minorités nationales. Toutes les mesures
prises à cet effet, législatives ou autres, devraient pouvoir assurer la
préservation de la cohésion sociale et du dialogue interculturel. Le Comité
consultatif estime que l'approche officielle exige d'autant plus des
précautions que toutes ces questions se posent dans un contexte où la démarche
identitaire, aussi bien de la majorité que des communautés minoritaires, n'est
pas achevée, et reste fortement liée à la composante linguistique.
46 Le Comité consultatif note par ailleurs une
telle division dans le contexte des médias, partagés entre ceux de langue
moldave et ceux de langue russe. Dans la mesure ou ceci peut représenter un
facteur susceptible de compliquer le dialogue interculturel, le Comité
consultatif encourage les autorités à créer toutes les conditions nécessaires
pour assurer l'indépendance des médias, de sorte que ces derniers, quelle que
soit leur expression linguistique, puissent jouer un rôle positif dans la
promotion de la compréhension interethnique. Dans ce contexte, le Comité
consultatif souhaite souligner les craintes exprimées à cet égard par certains
représentants des médias, qui estiment que la presse est fortement influencée
par les plus importantes forces politiques du pays.
47. Le Comité consultatif relève également que
certains médias continuent à présenter les informations d'une manière
susceptible d'engendrer des manifestations d'intolérance ethnique au sein du
public ou à véhiculer des stéréotypes négatifs associés à certains groupes
minoritaires. Le Comité consultatif considère que les principes formulés dans
la Recommandation du Comité des Ministres n° (97) 21 sur les médias et la
promotion d'une culture de tolérance devraient être dûment appliqués en
Moldova. Le Comité consultatif note dans ce contexte que la loi sur la presse
du 26 octobre 1994 prévoit à son article 4.1.a une prohibition de l'incitation
à la haine nationale, raciale ou religieuse ainsi qu'à la discrimination. Le
Comité consultatif considère de ce fait que les médias moldaves devraient
eux-mêmes surveiller de façon constante ce genre de manifestations, par leurs
propres organismes d'autorégulation.
48. Le Comité consultatif note également
l'existence en Moldova d'approximativement 4000 à 5000 personnes d'origine
afro-asiatique (environ 0,1% de la population), notamment des Syriens, des
Libanais, des Turcs, des Soudanais et des Chinois, dont une partie y vivent
depuis plus de 10 ans, sans toutefois avoir pu obtenir la citoyenneté moldave,
à cause de certaines difficultés légales et bureaucratiques. D'après les informations
recueillies, il semblerait que les autorités moldaves examinent actuellement la
question. Le Comité consultatif les encourage à rechercher une solution
appropriée.
Article 7
49. Le Comité consultatif note que l'article 5.3
de la loi du 17 septembre 1991 sur les partis politiques et les organisations
sociopolitiques prévoit, parmi les conditions d'enregistrement des partis
politiques, l'exigence d'inclure au minimum 5000 membres ayant leur résidence
dans au moins la moitié des départements du pays, 150 personnes au minimum
devant provenir du même département. Le Comité consultatif est d'avis que cette
disposition est susceptible de limiter la possibilité, pour les personnes
appartenant aux minorités nationales ne répondant pas à cette condition, de s'organiser
dans le cadre de partis politiques. Le Comité consultatif note que, dans la
pratique, des personnes appartenant à des minorités nationales sont présentes
dans le parlement moldave par le biais de leur inclusion sur les listes de
certains partis politiques. Néanmoins, le Comité consultatif est d'avis que
cela n'implique pas que ces personnes bénéficient de toutes les opportunités de
participation effective à la vie politique du pays et au processus de prise de
décision. Le Comité consultatif estime que cette situation mérite d'être
examinée par les autorités moldaves, en consultation avec les personnes
concernées (voir également les commentaires relatifs à l'article 15).
Article 8
50. Pendant la visite de la délégation du Comité
consultatif en Moldova, des représentants de la communauté tatare ont porté à
l'attention du Comité consultatif leur mécontentement dû au fait que, malgré
les demandes répétées adressées au gouvernement au cours des dernières années,
cette communauté ne dispose toujours pas du soutien nécessaire et de
l'emplacement adéquat pour construire un cimetière musulman. Le Comité
consultatif estime que les autorités moldaves devraient examiner cette
situation et identifier les solutions appropriées en consultation avec les
personnes concernées.
Article 9
51. Le Comité consultatif note avec satisfaction
que le Conseil de Coordination de l'Audiovisuel de Moldova a accordé des
licences de diffusion aux candidats issus des minorités nationales. Ainsi,
suite aux demandes reçues de la part de personnes provenant des communautés
respectives, 33 licences de diffusion ont été accordées à des Russes, 14 à des
Gagaouzes, 5 à des Bulgares et 1 aux Ukrainiens. Néanmoins, le Comité
consultatif est préoccupé par le fait que la minorité ukrainienne n'ait fait
que très peu usage de cette opportunité et encourage les autorités à soutenir
les personnes appartenant à cette minorité afin de compenser ce déséquilibre.
52. De même, le Comité consultatif apprécie le
fait que les chaînes publiques de télévision et radio moldaves diffusent des
émissions adressées aux personnes appartenant aux minorités nationales,
avec la participation de ces personnes et pour la plupart dans leur langue, à
des plages horaires avantageuses. Le Comité consultatif note que le statut de
la radiotélévision publique, la Compagnie d'Etat "Teleradio-Moldova",
oblige cette dernière à "garantir le droit des citoyens à l'information, à
promouvoir les valeurs réelles de la culture nationale, des cultures des
minorités vivant sur le territoire du pays ainsi que de la culture
internationale " (article 22).
53. Le Comité consultatif note que, en conformité
avec 13, paragraphe 3, de la loi de l'audiovisuel de 1995, "les
institutions audiovisuelles, publiques ou privées, diffusent au minimum 65% de
leurs programmes dans la langue d'Etat. Cette disposition ne s'étend pas aux
programmes télévisuels transmis par satellite et distribués par câble, ni aux
chaînes étrangères et aux chaînes qui diffusent dans les aires peuplées d'une
manière compacte par les minorités ethniques". Le Comité consultatif note
que l'application de cet article a conduit à la suspension temporaire par le
Conseil de l'audiovisuel des licences de certaines stations de radio et de
télévision de langue russe. Cette situation a engendré des controverses et
critiques sur le plan national et international. Par la suite, cet article de
la loi a fait l'objet d'un amendement interprétatif adopté par le parlement
moldave en septembre 2000.
54. Le parlement a précisé dans son amendement
que cette exigence concerne exclusivement les programmes produits sur le plan
local et ne couvre pas le temps de diffusion lorsqu'il s'agit de la
retransmission de programmes de chaînes étrangères par des stations
fonctionnant sur le territoire moldave. Le Comité consultatif estime que les
autorités moldaves devraient s'assurer que, lors de l'application de ces
dispositions dans la pratique, des limitations excessives ne seront apportées
au droit des personnes appartenant à des minorités nationales de recevoir ou de
communiquer des informations dans les langues minoritaires.
55. Le Comité consultatif apprécie les efforts
faits par les autorités moldaves, sur le plan législatif ainsi que dans le
contexte des politiques d'application afin d'assurer la liberté d'expression et
l'accès aux médias des personnes appartenant aux minorités nationales. A cet
égard, le Comité consultatif salue l'initiative récente de la télévision
publique visant la production et la diffusion, en dehors des programmes
culturels déjà existants, d'un programme spécialement dédié aux relations
interethniques, et destiné à contribuer à la création d'une culture des
relations interethniques basée sur la tolérance, la compréhension et
l'acceptation des différences, le respect de la diversité.
56. Le Comité consultatif estime néanmoins que
des mesures supplémentaires sont requises pour assurer, quant à l'accès aux
médias et à leur présence dans les médias, un meilleur équilibre entre les
différentes minorités nationales. Le Comité consultatif note à cet égard que
les chaînes publiques assurent, parallèlement à leur diffusion dans la langue
d'Etat, la préparation et la diffusion en langue russe de leurs programmes de
base (principales émissions informatives, culturelles et sociales), dans une proportion
de 30% à 35%. De même, il note que dans la capitale peuvent également être
réceptionnées les émissions de "Radio Russie" (12 heures par jour),
ainsi que 3 programmes de télévision produits en Russie qui sont retransmis par
câble. La minorité ukrainienne en revanche bénéficie de possibilités plus
réduites dans ce domaine. La situation est particulièrement préoccupante dans
les zones rurales, où certaines communautés vivent de manière isolée et sans
disposer de ressources propres pour créer leurs propres médias. Le Comité
consultatif est d'avis que le déséquilibre caractérisant la situation actuelle
est regrettable. Le Comité consultatif constate que la minorité ukrainienne,
tout en étant numériquement la plus importante, reste désavantagée et a besoin
d'un soutien accru de la part des autorités moldaves.
57. Le Comité consultatif est d'avis que les
autorités moldaves devraient d'une part évaluer cette situation, par le biais
de structures comme la division de monitoring et d'information du Département
pour les relations interethniques, et d'autre part chercher à assurer un
équilibre dans ce domaine, en consultation avec les intéressés. Le gouvernement
devrait, par exemple, accorder une attention particulière au soutien de la
création de médias sur le plan local, notamment dans les zones où les personnes
appartenant aux minorités nationales vivent de manière compacte. Une presse
écrite locale et des stations de radio locales, pouvant s'adresser aux
communautés concernées dans leur langue (là où il y a une demande),
représentent des moyens privilégiés pour aider les minorités numériquement
moins nombreuses - y compris les Rom, qui semblent les plus défavorisés dans ce
domaine - à préserver leur langue et leur identité.
Article 10
58. Le Comité consultatif note que la loi sur les
personnes appartenant aux minorités nationales prévoit à son article 7 que ces
personnes "ont le droit à la libre utilisation de leur langue maternelle,
par écrit et oralement, au libre accès aux informations dans cette langue, à la
diffusion de cette langue et à l'échange d'informations dans cette
langue". La Constitution moldave (du 29 juillet 1994) dispose que la
langue d'Etat est le moldave, fonctionnant sur la base de l'alphabet latin
(article 13.1). Elle garantit également la reconnaissance et la protection par
l'Etat de la langue russe et des autres langues parlées dans le pays (article
13.2).
59. Le Comité consultatif constate que le
fonctionnement des langues sur le territoire de la Moldova est à ce jour régi
par la loi sur le fonctionnement des langues datant de septembre 1989. Le
Comité consultatif note à cet égard que le Titre VII des dispositions finales
et transitoires de la Constitution (août 1994) prévoit que la loi ci-dessus
mentionnée "reste en vigueur dans la mesure où elle ne contrevient pas à
la présente constitution" et qu'elle "peut être modifiée pendant 7
ans à partir de la date d'entrée en vigueur de la présente constitution".
Le Comité consultatif estime que, lors de la préparation d'une nouvelle
législation concernant les langues, les autorités moldaves devraient
veiller à ce que les dispositions pertinentes de la Constitution et de la
Convention-cadre soient pleinement mises en _uvre à l'égard de toutes les
personnes appartenant aux minorités nationales. Le Comité consultatif estime
également qu'un équilibre approprié devrait être assuré en ce qui concerne le
fonctionnement effectif du bilinguisme moldavo-russe, sans préjudice de
l'apprentissage du moldave en tant que langue d'Etat par toutes les personnes
appartenant aux minorités, en conformité avec l'article 14 paragraphe 3 de la
Convention-cadre.
60. Le Comité consultatif note que la législation
moldave, notamment la loi sur le fonctionnement des langues de 1989, opère une
distinction entre les langues utilisées sur le territoire du pays, suivant leur
fonction principale et la délimitation territoriale de leur utilisation. Ainsi,
la langue moldave, la langue d'Etat, est également présentée comme "langue
de communication interethnique". La langue russe (anciennement langue de
communication entre les nations de l'ex-Union Soviétique) est présentée aussi
comme "langue de communication interethnique" en plus du moldave. De
ce fait, la loi de 1989 fait état d'un "bilinguisme national-russe et
russe-national réel" (article 3). Dans les zones d'implantation
"compacte" de la minorité gagaouze, "la langue officielle dans
les différents secteurs de la vie est la langue d'Etat, la langue gagaouze ou
la langue russe" (article 2 de la même loi). La même loi prévoit que
l'Etat garantit l'utilisation des langues parlées par les différents groupes
ethniques vivant en Moldova
(article 4).
61. Dans les relations avec les autorités
administratives, les citoyens peuvent librement choisir entre la langue d'Etat
et la langue russe, à l'oral comme à l'écrit, ou la langue gagaouze, dans les
localités où cette population est majoritaire. Ce choix est étendu aux autres
langues minoritaires à chaque fois que la population appartenant à une minorité
nationale représente la majorité dans la localité en question (voir article 6
de la loi de 1989).
62. Tout en appréciant la souplesse de cette
approche, le Comité consultatif estime que ce seuil est élevé du point de vue
de l'article 10 de la Convention-cadre et que des clarifications supplémentaires
sont nécessaires. Alors que la loi sur le fonctionnement des langues de 1989 se
réfère à la « majorité », sans préciser s'il s'agit d'une majorité
absolue ou relative, la loi de 2001 sur les personnes appartenant aux minorités
nationales mentionne comme seuil une "partie considérable" de la
population. Le Comité consultatif a pu comprendre que, pour le gouvernement
moldave, une "partie considérable" signifie au minimum la moitié de
la population. Le Comité consultatif estime que ce seuil devrait être abaissé
dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi sur les personnes appartenant à
des minorités nationales ainsi que lors de la préparation d'une nouvelle
législation sur l'usage des langues (voir commentaires au paragraphe 59
ci-dessus), de manière à se conformer pleinement au principe inscrit à
l'article 10, paragraphe 2, de la Convention-cadre.
63. Le Comité consultatif prend note également
des difficultés entraînées par l'exigence de bilinguisme moldavo-russe imposée
au personnel de l'administration publique. D'après les informations dont le
Comité consultatif dispose aujourd'hui, les autorités moldaves n'ont toujours
pas réussi à trouver une solution claire et durable à ce problème.
Reconnaissant que les mesures initiales d'accompagnement prises dans ce domaine
se sont avérées insuffisantes et/ou inappropriées, les autorités moldaves ont
adopté en février 2001 un Programme national (2001-2005) visant l'amélioration
de l'apprentissage de la langue d'Etat par les personnes adultes. Le Comité
consultatif note que les mesures prévues dans ce programme seront accompagnées
de ressources financières spéciales du budget étatique. Le Comité consultatif
s'attend à ce que ce programme contribue à l'élimination des difficultés
rencontrées par le personnel et le public avec lequel il entre en contact à
cause de l'insuffisante connaissance de la langue d'Etat. Par ailleurs, cette
évolution sera bénéfique aussi bien au regard de l'égalité pleine et effective
dans le domaine de l'emploi que sur le plan du dialogue interethnique et de la
compréhension mutuelle.
64. Le Comité consultatif note que la législation
moldave prévoit les garanties nécessaires à l'exercice du droit de toute
personne appartenant à une minorité nationale, dans le cadre de la procédure
pénale, d'être informée et d'assurer sa défense dans une langue qu'elle
comprend. Dans la pratique, le respect de ce droit n'est pas assuré de manière
systématique, en raison de la pénurie de ressources financières et/ou du manque
d'interprètes qualifiés, notamment pour les langues des minorités numériquement
moins importantes. Le Comité consultatif considère que les autorités moldaves
devraient prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir la mise en
oeuvre pleine et entière de ce droit (voir également les commentaires relatifs
à l'article 4 ci-dessus).
65. D'une manière plus générale, le Comité
consultatif note la position particulière qui revient à la langue russe en
Moldova et relève que cette langue est largement utilisée par un nombre important
de personnes appartenant à des minorités nationales, ainsi que par une partie
considérable de la population majoritaire. A cet égard, le Comité consultatif
constate que la récente loi sur les personnes appartenant aux minorités
nationales renforce sensiblement la position de la langue russe aussi bien par
rapport à la langue d'Etat que par rapport aux autres langues minoritaires.
66. Le Comité consultatif salue en principe
toutes mesures visant le renforcement de toute langue minoritaire et permettant
aux personnes appartenant aux minorités concernées de préserver et développer
leur identité linguistique. Néanmoins, le Comité consultatif estime que les
autorités devraient s'assurer que les mesures en faveur de la langue d'une
minorité nationale donnée ne seront pas prises au détriment des langues
d'autres minorités nationales. Le Comité consultatif est d'avis que, dans la
promotion des droits linguistiques figurant à l'article 10 de la Convention-cadre,
les autorités moldaves devraient s'efforcer d'assurer une approche équilibrée à
l'égard des différentes langues parlées par les personnes appartenant aux
minorités nationales, y compris celles qui sont désavantagées ou numériquement
moins importantes.
67. Le Comité consultatif note l'existence d'une
situation linguistique à part dans les unités territoriales disposant d'un
statut spécial d'autonomie. Dans le cas de la Gagaouzie, les langues moldave,
russe et gagaouze sont déclarées langues officielles sur son territoire par la
loi LB344 de décembre 1994 sur le statut juridique de la Gagaouzie. Cette loi
prévoit par ailleurs que d'autres langues sont également protégées, en plus des
trois langues officielles précitées.
Article 11
68. D'après les informations dont il dispose
actuellement, le Comité consultatif considère que l'application de cet article
ne donne lieu à aucune observation spécifique.
Article 12
69. Le Comité consultatif note avec satisfaction
les efforts considérables déployés par les autorités moldaves afin de
promouvoir, dans les écoles, les bibliothèques, les instituts de recherche, les
musées, la connaissance de valeurs identitaires (culture, traditions, histoire,
langue, religion) des minorités nationales ainsi que de la population
majoritaire. Le Comité consultatif note également que la création des
conditions favorables aux interférences culturelles entres les différents
groupes ethniques composant la société moldave représentante une préoccupation
constante du gouvernement.
70. Le Comité consultatif salue les mesures
législatives prises à cet effet (voir à cet égard l'article 35 de la
Constitution, garantissant le droit à l'éducation, ainsi que les articles 5 et
6 de la loi sur les droits des personnes appartenant aux minorités nationales,
sur les obligations revenant à l'Etat dans le domaine de l'éducation et de la
recherche). Concernant le soutien institutionnel, le Comité consultatif note
qu'une division spéciale, ayant la responsabilité des questions touchant les
minorités nationales, a été créée dès le début des années '90 au sein du
Ministère de l'éducation. Parmi ses priorités il y a la formation des
enseignants à l'éducation destinée aux personnes appartenant aux minorités
nationales, la préparation de programmes d'études harmonisées avec ceux suivis
par la population majoritaire, la préparation de manuels scolaires adaptés, les
échanges d'étudiants.
71. Le Comité consultatif estime que, malgré
l'insuffisance des ressources, les autorités moldaves ont déployé des efforts
substantiels dans la plupart des directions précitées. Ainsi, le nombre des
écoles fréquentées principalement par des élèves issus des minorités nationales
et fournissant un enseignement dans ou des langues minoritaires représente un
tiers des écoles moldaves. S'agissant de l'enseignement supérieur, selon le
Rapport étatique, la structure des étudiants en fonction de leur origine
ethnique n'est pas loin de la proportion des personnes appartenant aux
minorités nationales respectives au sein de la population du pays. Tout en
reconnaissant qu'un certain nombre de Rom dispose d'une éducation de niveau
universitaire, le Comité consultatif reste préoccupé par l'accès des personnes
appartenant à cette minorité à l'éducation supérieure.
72. Le Comité consultatif note également que des
quotas ont été établis, les dernières années, afin de garantir l'accès des
étudiants appartenant à certaines minorités nationales à l'enseignement
supérieur, ainsi que dans le cadre de la répartition des bourses d'études à
l'étranger.
73. D'une manière générale, le Comité consultatif
se félicite de l'engagement des autorités moldaves en faveur de la
modernisation et de l'amélioration constante de la qualité de l'enseignement, y
compris de celui destiné aux personnes appartenant aux minorités nationales.
74. Parmi les principales insuffisances
identifiées par le gouvernement, le Comité consultatif retient :
l'insuffisance du nombre d'enseignants et la difficulté d'attirer vers
l'enseignement (vu les conditions de rémunération très modestes) les diplômés
des institutions supérieures qualifiés pour ce domaine, la difficulté de
trouver des enseignants qualifiés à la fois pour la langue d'Etat et une langue
minoritaire (et susceptibles, en outre, d'enseigner des disciplines autres que
linguistiques, aussi bien en langue d'Etat qu'en langue minoritaire), la
pénurie de manuels scolaires, le coût plus élevé des manuels destinés aux
élèves appartenant aux minorités nationales, la difficulté d'assurer la
continuité de l'instruction dans une langue minoritaire aux différents niveaux
d'enseignement, ainsi que, de manière plus générale, l'absence de ressources
financières. Le Comité consultatif est conscient que toutes ces difficultés
doivent être situées dans le contexte d'un système éducatif en pleine réforme
et effort de renouvellement. De ce fait, le Comité consultatif apprécie la
volonté des autorités compétentes de trouver des solutions à ces problèmes,
essayant à la fois d'assurer la cohérence du système et de ne pas aborder dans
une perspective isolée l'éducation des personnes appartenant aux minorités
nationales.
75. Le Comité consultatif note que, dans ces
conditions marquées par le caractère très limité des ressources, les relations
avec les Etats-parents des minorités nationales vivant en Moldova occupent une
place importante. Pendant les rencontres avec le Comité consultatif, les
autorités ont fait état de relations fructueuses avec la Bulgarie, la
Fédération de Russie, la Turquie, l'Ukraine, etc. En coopération avec ces pays
sont organisés régulièrement des sessions de formation et des échanges
d'enseignants et d'élèves, l'envoi de manuels scolaires dans les langues des
minorités concernées, sur la base de listes de besoins dressées par le
Ministère de l'éducation et en conformité avec les programmes d'enseignement
unifiés établis sur le plan national. Le Comité consultatif note que certaines
difficultés persistent de ce point de vue en ce qui concerne la coopération
avec l'Ukraine et encourage les autorités à intensifier leurs efforts dans ce
domaine.
76. Le Comité consultatif encourage les autorités
à veiller à ce que toutes les minorités nationales, en particulier celles qui
sont numériquement moins importantes et celles qui ne peuvent pas disposer du
soutien d'un Etat-parent, bénéficient équitablement de l'attention du
gouvernement dans la mise en oeuvre des programmes visant spécifiquement les
minorités nationales dans le domaine de l'éducation.
77. Le Comité consultatif souhaite également
attirer l'attention du gouvernement sur les importants taux d'absentéisme et
d'illettrisme existant parmi les Rom, ainsi que sur des problèmes plus
spécifiques, tels que l'absence de manuels, l'absence d'enseignants rom et
l'inexistence d'écoles maternelles dans certains villages habités
essentiellement par les Rom. Le Comité consultatif estime que les efforts
entrepris jusqu'à présent dans ce domaine sont insuffisants et que des progrès
substantiels peuvent être réalisés grâce à des programmes éducatifs spéciaux,
au dialogue avec les familles et à un financement direct. Le Comité consultatif
est d'avis que les autorités moldaves devraient en faire une priorité de leur
action et se fonder, à cet effet, sur les lignes directrices figurant dans la
Recommandation n° (2000) 4 du Comité des Ministres sur l'éducation des enfants
rom/tsiganes en Europe.
Article 13
78. D'après les informations dont il dispose
actuellement, le Comité consultatif considère que l'application de cet article
ne donne lieu à aucune observation spécifique.
Article 14
79. Le Comité consultatif note que la législation
moldave reconnaît le droit des personnes appartenant aux minorités nationales
d'apprendre leur langue maternelle et prévoit des garanties juridiques
associées à ce droit. Ainsi l'article 10.2 de la Constitution garantit le droit
à l'identité linguistique, alors que l'article 35.2 énonce l'obligation qui
revient à l'Etat d'assurer, dans les conditions de la loi, le droit de choisir
la langue d'éducation et d'instruction des personnes.
80. Dans le prolongement de ces dispositions
constitutionnelles, l'article 6 de la récente loi sur les personnes appartenant
aux minorités nationales indique l'engagement de l'Etat dans la réalisation des
droits reconnus par la Constitution. Comme il a été précisé dans le contexte de
l'article 10 de la Convention-cadre, le Comité consultatif note que la loi
moldave réserve une approche différenciée aux langues minoritaires utilisées
sur le territoire moldave. Comme pour la langue d'Etat, le gouvernement
s'engage à garantir l'éducation en langue russe à tous les niveaux du système
éducatif: de l'enseignement préscolaire jusqu'au niveau universitaire et post
universitaire (article 6.1). En revanche, pour les personnes utilisant les
autres langues minoritaires, l'Etat s'engage à créer des conditions en vue de
la réalisation de leur droit à l'éducation et à l'instruction dans la langue
maternelle (article 6.1). Dans tous les cas, l'Etat s'engage cependant à
contribuer à la préparation des programmes et à l'élaboration de la méthodologie
afférente, à la formation des enseignants, y compris à travers la coopération
avec d'autres pays (article 6.2).
81. Le Comité consultatif reconnaît l'engagement
des autorités moldaves pour la mise en oeuvre du droit à l'apprentissage des
langues minoritaires et salue les mesures prises à cet effet. Il note, en
dehors du nombre important d'écoles qui dispensent l'enseignement dans/des
langues minoritaires, des initiatives complémentaires telles que les classes
expérimentales assurant l'instruction complète dans une langue minoritaire ou
les écoles du dimanche destinées à l'apprentissage des langues minoritaires.
82. Le Comité consultatif reconnaît que pour des
raisons historiques quasiment toutes les personnes appartenant à des minorités
nationales, aussi bien qu'une part considérable de la population majoritaire
connaissent de facto la langue russe. Le Comité consultatif note
néanmoins que des tensions considérables sont survenues en janvier 2002 du fait
de l'introduction de la langue russe comme discipline obligatoire dans les
écoles primaires moldaves, en application d'un Arrêté du Ministre de
l'éducation du mois d'août 2001. Ces tensions se sont accentuées à cause de
l'intention annoncée des autorités d'octroyer à la langue russe un statut plus
élevé, une initiative d'amendement de la Constitution à cette fin ayant été
déposée en décembre 2001 auprès de la Cour constitutionnelle. Le Comité
consultatif salue les récentes mesures prises par les autorités moldaves afin
d'apaiser ces tensions et assurer une coexistence paisible au sein de la
société moldave. Le Comité consultatif constate néanmoins que la
question linguistique demeure un sujet sensible en Moldova et estime que les
autorités moldaves doivent procéder avec grande précaution en prenant des mesures
dans ce domaine, afin d'éviter toute possibilité de conflit et toute tentative
d'exploitation du potentiel conflictuel de ces questions.
83. Le Comité consultatif encourage les autorités
moldaves à veiller, lors de la mise en oeuvre des dispositions légales
existantes dans ce domaine ainsi que dans le cas d'une éventuelle révision du
cadre législatif actuel, à ce que toutes les mesures envisagées soient prises
en consultation avec les intéressés. Dans le cadre de ce processus, les
autorités devraient s'efforcer de fournir une réponse équilibrée aux besoins
linguistiques spécifiques de toutes les minorités nationales, en prenant en
compte leur situation particulière ainsi que la nécessité d'assurer leur accès
équitable aux ressources existantes. Le Comité consultatif, conscient de
l'importance de la connaissance de la langue d'Etat en tant que facteur de
cohésion sociale et d'intégration, estime qu'il est important de s'assurer que
ces mesures seront prises sans préjudice de l'apprentissage ou de l'enseignement
de celle-ci. Reconnaissant que la connaissance de la langue d'Etat parmi les
personnes appartenant aux minorités nationales reste limitée et ne se développe
que très lentement, le Comité consultatif encourage les autorités moldaves à
déployer des efforts supplémentaires pour remédier à cette situation, notamment
en développant les mesures prévues dans le Programme national adopté à cet
effet en février 2001 (voir paragraphe 63 ci-dessus).
Article 15
84. Le Comité consultatif reconnaît les efforts
déployés par les autorités moldaves en vue de faciliter la participation des
personnes appartenant aux minorités nationales aux différents domaines de la
vie sociale. Il salue particulièrement les actions entreprises dans le domaine
culturel et de l'éducation et la détermination du gouvernement à poursuivre ses
efforts dans ces domaines.
85. Le Comité consultatif note que la loi sur les
personnes appartenant aux minorités nationales consacre deux chapitres aux
organisations formées par ces personnes et à leur droit d'être représentées et
de participer à la gestion des affaires publiques. Conformément à la loi
(article 20.1), ces organisations bénéficient du soutien de l'Etat dans la
réalisation de leurs programmes dans des domaines comme la culture, la science,
l'enseignement, la recherche historique et l'action humanitaire. La loi prévoit
encore à son article 22 que ces organisations sont consultées par le
gouvernement de même que tous les organismes étatiques impliqués dans
l'élaboration et la mise en _uvre des politiques culturelles et éducationnelles
relatives aux minorités nationales.
86. Le Comité consultatif note également
l'établissement, au sein du gouvernement moldave, d'un département spécial,
chargé de la promotion de la politique gouvernementale à l'égard des minorités
nationales, le Département pour les relations interethniques, dont le statut
s'est vu officialiser par la loi précitée. L'interlocuteur principal de cet
organe gouvernemental, du côté des minorités nationales, est le Conseil de coordination,
organisme fédérateur des plus importantes organisations des minorités
nationales. Le Comité consultatif prend également note de l'existence, au sein
des organes de chaque unité locale de second niveau, d'un fonctionnaire chargé
de suivre les affaires concernant les minorités nationales.
87. Le Comité consultatif salue la mise en place
d'un cadre institutionnel favorisant l'association des personnes appartenant
aux minorités nationales à la prise des décisions les concernant. Il exprime
l'espoir que, sur cette base, la pratique va développer des modalités concrètes
de participation qui répondent réellement aux intérêts de ces personnes et qui
soient adaptées aux conditions spécifiques de la société moldave. Dans ce
contexte, le Comité consultatif note qu'une Commission présidentielle avait été
créée en 1998 dans le but de permettre à ces personnes de faire connaître leurs
intérêts auprès de la plus haute institution de l'Etat. Le Comité consultatif
regrette que cette commission ait cessé de fonctionner au courant de l'année
2001.
88. Le Comité consultatif considère que le
domaine de consultation des organisations des minorités nationales, tel qu'il
figure à l'article 22 de la loi précitée, est trop restreint, se limitant à la
sphère de la culture et de l'enseignement. Le Comité consultatif encourage les
autorités moldaves à élargir le champ de leur dialogue avec les personnes
appartenant aux minorités nationales lors de l'examen des dispositions
d'exécution et à travers les politiques de mise en _uvre de la loi sur les
personnes appartenant aux minorités nationales.
89. Le Comité consultatif estime également que,
outre le Conseil de coordination pour les minorités nationales, il est
important que le gouvernement entretienne un dialogue direct avec les
organisations représentant chacune des minorités nationales. Ceci permettra au
gouvernement de connaître et agir en faveur de leurs préoccupations spécifiques
et éviter de se retrouver dans une situation où les intérêts promus par le
Conseil de coordination ne reflètent que les besoins des groupes minoritaires
les plus actifs.
90. S'agissant de la participation effective des
personnes appartenant aux minorités nationales à la gestion des affaires
publiques, le Comité consultatif reconnaît que, dans la pratique, ces personnes
sont présentes dans la vie politique du pays. Au niveau local, ceci est
possible à travers les structures élues et les exécutifs des unités
territoriales d'implantation substantielle des minorités nationales (notamment
dans la Gagaouzie, qui dispose d'une assemblée populaire et d'organes exécutifs
autonomes, et dont le Gouverneur est d'office membre du gouvernement moldave,
ainsi que dans le district de Taraclia). Au niveau national des personnes
appartenant aux minorités nationales sont membres du parlement, même s'il n'y a
pas de sièges réservés aux minorités nationales. De même, ces personnes
occupent des fonctions ministérielles, ainsi que des positions dans les
différentes structures de l'exécutif. Le Comité consultatif encourage les
autorités moldaves à veiller à ce que les minorités numériquement moins
importantes puissent également faire entendre leur voix et promouvoir leurs
intérêts spécifiques.
91. Le Comité consultatif rappelle également les
commentaires formulés sous l'article 7 du présent avis concernant la loi sur
les partis politiques et les organisations sociopolitiques. Il encourage le
gouvernement à examiner, en consultation avec les personnes concernées, quelles
sont les modalités les plus appropriées afin d'assurer la participation
effective des personnes appartenant aux minorités nationales aux affaires
publiques. De même, le Comité consultatif encourage les autorités à poursuivre
leurs efforts afin d'éliminer progressivement les difficultés rencontrées par
certaines personnes appartenant aux minorités nationales dans le domaine de
l'accès à la fonction publique, difficultés dues notamment à l'exigence d'un
certain niveau de connaissance de la langue d'Etat (voir également commentaires
relatifs à l'article 10).
92. Le Comité consultatif note dans ce contexte
qu'un statut juridique spécial, consistant en une large autonomie
administrative et culturelle, a été octroyé en 1995 à la Gagaouzie, afin de
mettre fin aux tensions créées au début des années '90. De même, le Comité
consultatif prend note des demandes formulées en octobre 2001 par les
représentants de l'Assemblée populaire de la Gagaouzie, insatisfaits de la
portée et du fonctionnement de l'autonomie qui leur a été octroyée, pour une
révision des arrangements constitutionnels les concernant. Le Comité
consultatif apprécie l'intention annoncée des autorités d'inclure dans la
Constitution une disposition reconnaissant le statut d'autonomie de la
Gagaouzie et les encourage à examiner la situation, en coopération avec les
intéressés, afin d'identifier les solutions les plus appropriées.
93. S'agissant de la participation effective aux
différents secteurs de la vie sociale, le Comité consultatif estime qu'une
attention particulière est requise pour la situation de la minorité rom.
D'après les informations qui ont été portées à la connaissance du Comité
consultatif, il y a des cas où des communautés rom vivant isolées sont
pratiquement ignorées par les autorités locales dont elles relèvent, n'ont pas
de représentants au sein des organes locaux élus et ne reçoivent pas la part
qui leur revient des ressources locales. Le Comité consultatif prend note avec
satisfaction de l'approche active de certaines organisations représentatives de
la minorité rom, qui, se basant sur des études et enquêtes sociologiques
propres, ont soumis au gouvernement des propositions concrètes d'action. Le
Comité consultatif considère que le rôle des Rom dans la réalisation des
politiques les concernant devrait être renforcé et que le gouvernement devrait
répondre d'une manière plus active à leurs propositions. Tout en reconnaissant
que, malgré les difficultés économiques, des initiatives ont été prises
dernièrement, le Comité consultatif considère que les autorités devraient
intensifier leurs efforts dans ce domaine afin de s'assurer que les Rom ne sont
pas marginalisés dans la société moldave (voir également commentaires relatifs
à l'article 4).
Article 16
94. Le Comité consultatif note avec satisfaction
que les dispositions de la Convention-cadre ont contribué à apaiser les
tensions créées en 1999 à propos du district de Taraclia, habité
majoritairement par une population d'origine ethnique bulgare. Cette population
estimait son identité menacée par la perspective de l'intégration de ce
district dans une unité territoriale plus grande, suite au nouveau découpage
territorial issu de la réforme administrative territoriale du pays (la loi sur
l'organisation administrative-territoriale du 12 novembre 1998).
95. Le Comité consultatif note dans ce contexte
que les autorités moldaves ont procédé, en décembre 2001, à une nouvelle
révision de l'organisation administrative-territoriale du pays. Pour
l'essentiel, il s'agit d'un retour aux anciennes unités territoriales, existant
préalablement à la réforme de 1998, ainsi que d'une révision du fonctionnement
de l'administration publique locale. Le Comité consultatif tient à attirer
l'attention des autorités moldaves sur la nécessité de consulter les personnes
concernées par les changements administratifs-territoriaux adoptés, afin de
s'assurer que ces mesures ne portent pas atteinte aux droits et libertés
découlant de la Convention-cadre, y compris pour ce qui est de la participation
à la prise des décisions. Une telle obligation figure également à l'article 9
de la loi sur les personnes appartenant aux minorités nationales.
Article 17
96. D'après les informations dont il
dispose actuellement, le Comité consultatif considère que l'application de cet
article ne donne lieu à aucune observation spécifique.
Article 18
97. Le Comité consultatif salue le fait
que la Moldova soit partie à plusieurs traités bilatéraux et accords culturels
portant sur la protection des minorités nationales (le Rapport étatique
mentionne ceux avec la Russie, l'Ukraine et le Bélarus) et encourage les
autorités moldaves à veiller à ce que leurs mécanismes de mise en _uvre
puissent contribuer à la protection effective des personnes concernées,
favorisant en même temps la tolérance, la stabilité, la paix.
Article 19
98. A la lumière des informations dont il dispose
à ce stade, il estime que la mise en _uvre des dispositions de cet article ne
donne lieu à aucune observation spécifique.
IV. PRINCIPAUX CONSTATS ET COMMENTAIRES DU
COMITE CONSULTATIF
99. Le Comité consultatif est d'avis que les
principaux constats et commentaires ci-dessous pourraient contribuer à la
poursuite du dialogue entre le gouvernement et les minorités nationales,
dialogue auquel le Comité consultatif est prêt à contribuer.
Concernant l'article 3
100. Le Comité consultatif constate que la
loi organique sur les droits des personnes appartenant aux minorités nationales
et de leurs associations (la loi n° 382 du 28 août 2001, entrée en vigueur le 4
septembre 2001) appelle, en vue de sa mise en oeuvre, l'adoption d'autres
textes normatifs et la mise en conformité de la législation en vigueur avec ses
propres dispositions. Il considère que les autorités doivent déployer
tous les efforts nécessaires afin que ces changements législatifs soient
effectués sans retard, en consultation avec les intéressés.
101. Le Comité consultatif constate que la
loi précitée prévoit un engagement important de l'Etat par rapport à la langue
russe. Le Comité consultatif considère que, dans sa mise en
oeuvre, les autorités devraient s'assurer, à travers des consultations avec les
intéressés, qu'une attention appropriée sera accordée aux besoins des personnes
appartenant à toutes les minorités nationales vivant en Moldova.
102. Le Comité consultatif constate que le
dernier recensement a été organisé en Moldova en 1989 et que le nouveau
recensement a été reporté à plusieurs reprises. Le Comité consultatif considère
que les autorités moldaves devraient organiser dès que possible un nouveau
recensement de la population et, dans ce contexte, encourager les personnes
appartenant à des minorités nationales à faire usage de la possibilité de
déclarer leur affiliation.
Concernant l'article 4
103. Le Comité consultatif constate que
les Rom estiment ne pas bénéficier d'un traitement égal du point de vue de leur
reconnaissance en tant que minorité nationale et du soutien étatique afférent
et considère que les autorités moldaves devraient prêter davantage
d'attention à cette minorité et lui accorder le soutien approprié.
104. Le Comité consultatif constate que
certains Rom sont confrontés à des difficultés socio-économiques considérables
et à un grave phénomène d'exclusion sociale, faisant par ailleurs l'objet de
discrimination dans plusieurs domaines de la vie sociale. Le Comité consultatif
considère que les autorités devraient intensifier leurs efforts afin
d'améliorer la situation de ces personnes, notamment par la mise en oeuvre, en
consultation avec les intéressés et en accordant une attention particulière aux
femmes rom, des mesures prévues par la décision du gouvernement du 16 février
2001 sur le soutien à long terme de la population rom.
Concernant l'article 5
105. Le Comité consultatif constate que,
pour assurer un impact réel de la loi sur les personnes appartenant aux
minorités nationales sur la conservation et le développement des cultures et
identités de ces personnes, des politiques appropriées et un soutien adéquat
sont nécessaires. Le Comité consultatif considère que les autorités
devraient consulter les représentants des différentes minorités, y compris de
celles désavantagées ou numériquement moins importantes, lors de l'élaboration
de ces politiques et de la répartition des aides afférentes.
Concernant l'article 6
106. Le Comité consultatif constate avec
préoccupation qu'il existe une division séparant deux groupes de population: la
majorité, parlant la langue d'Etat, et la population russophone, incluant, en
plus de la minorité russe, des personnes appartenant à d'autres minorités
slaves, dont les langues ne bénéficient pas du même niveau de protection que la
langue russe. Le Comité consultatif considère que, afin de
préserver la cohésion sociale et le dialogue interculturel, les autorités
moldaves devraient s'assurer que tout développement visant à accorder à la
langue russe un statut plus élevé ne conduira pas à un renforcement de cette
division.
107. Le Comité consultatif constate que
les médias moldaves sont partagés entre ceux de langue moldave et ceux de
langue russe et, selon certains représentants des médias, fortement influencés
par les plus importantes forces politiques du pays. Le Comité consultatif considère
que les autorités moldaves devraient créer toutes les conditions nécessaires à
l'indépendance des médias et permettant à ces derniers, quelle que soit leur
expression linguistique, de jouer un rôle positif dans la promotion de la
compréhension interethnique.
Concernant l'article 8
108. Le Comité consultatif constate que,
d'après les représentants de la communauté tatare, celle-ci ne dispose toujours
pas d'un emplacement adéquat pour construire un cimetière musulman et n'a pas
reçu le soutien nécessaire de la part du gouvernement à cet égard. Le Comité
consultatif considère que les autorités moldaves devraient examiner
cette situation et identifier les solutions appropriées en consultation avec
les personnes concernées.
Concernant l'article 9
109. Le Comité consultatif constate que
les dispositions de l'article 13 paragraphe 3 de la loi moldave sur
l'audiovisuel (portant sur le pourcentage requis de programmes diffusés dans la
langue d'Etat) ont conduit à la suspension temporaire des licences de certaines
stations de radio et de télévision. Cela a engendré des controverses et, en fin
de compte, conduit à un amendement interprétatif du parlement moldave. Le
Comité consultatif considère que, dans l'application de ces
dispositions, les autorités moldaves devraient s'assurer que des limitations
excessives ne seront pas apportées au droit des personnes appartenant à des
minorités nationales de recevoir ou de communiquer des informations dans les
langues minoritaires.
110. Le Comité consultatif constate un
déséquilibre regrettable entre les différentes minorités nationales quant à
leur accès à et leur présence dans les médias. Le Comité consultatif considère
que les autorités devraient soutenir les minorités nationales, notamment la
minorité ukrainienne, afin d'assurer une utilisation équilibrée des
opportunités existantes. Le Comité consultatif considère que les
autorités devraient, par exemple, en consultation avec les intéressés, accorder
une attention particulière au soutien à la création de médias en langues
minoritaires sur le plan local, notamment pour les personnes appartenant à des
minorités numériquement moins importantes, y compris les Rom.
Concernant l'article 10
111. Le Comité consultatif constate que
l'usage des langues sur le territoire de la Moldova est à ce jour régi par une
loi datant de septembre 1989, qui opère une distinction entre les langues
utilisées sur le territoire de la Moldova. Le Comité consultatif constate
notamment la position particulière qui revient à l'utilisation de la langue
russe dans les différents domaines de la vie. Le Comité consultatif considère
essentiel que, dans la future législation sur l'usage des langues, les
dispositions pertinentes de la Constitution ainsi que celles de la
Convention-cadre soient pleinement appliquées à l'égard de toutes les personnes
appartenant à des minorités nationales.
112. Le Comité consultatif constate que le
seuil à partir duquel les personnes appartenant aux minorités nationales
peuvent utiliser leurs langues respectives (autres que le russe) dans les
relations avec l'administration est élevé du point de vue de l'article 10 de la
Convention-cadre. Le Comité consultatif considère que ce seuil devrait
être abaissé dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi sur les personnes
appartenant à des minorités nationales ainsi que dans la future législation sur
l'usage des langues.
113. Le Comité consultatif constate que
l'amélioration de la connaissance de la langue d'Etat par les personnes
appartenant aux minorités nationales, y compris par le biais du programme
national adopté en février 2001, sera bénéfique à la réalisation de l'égalité
pleine et effective dans le domaine de l'emploi ainsi qu'à l'élimination des
difficultés linguistiques dans les relations entre le personnel de
l'administration publique et le public.
114. Le Comité consultatif constate que
des difficultés persistent dans la réalisation du droit des personnes
appartenant à une minorité nationale, dans le cadre de la procédure pénale,
d'être informées et d'assurer leur défense dans une langue qu'elles comprennent
et considère que les autorités devraient prendre toutes les mesures
nécessaires à la mise en oeuvre pleine et entière de ce droit.
115. Le Comité consultatif constate que la
récente loi sur les personnes appartenant aux minorités nationales renforce
sensiblement la position de la langue russe par rapport aux autres langues
minoritaires. Le Comité consultatif considère que les autorités
devraient s'assurer que les mesures en faveur de la langue d'une minorité
nationale donnée ne seront pas prises au détriment des langues d'autres
minorités nationales.
Concernant l'article 12
116. Le Comité consultatif constate que,
malgré les efforts déployés par les autorités afin de garantir un accès égal à
l'éducation à l'égard des personnes appartenant aux minorités nationales, un
nombre de difficultés persistent dans ce domaine. Le Comité consultatif considère
qu'il faudrait veiller à ce que toutes les minorités nationales, en particulier
celles qui sont numériquement moins importantes et celles qui ne peuvent pas
disposer du soutien d'un Etat-parent, bénéficient équitablement de l'attention
du gouvernement dans la réalisation des programmes spécifiques préparés dans ce
domaine.
117. Le Comité consultatif constate que
les Rom rencontrent des difficultés particulières dans le domaine de
l'éducation et considère que l'amélioration de cette situation à travers
des programmes éducatifs spéciaux, le dialogue avec les familles et un
financement direct devrait représenter une priorité d'action du gouvernement
moldave.
Concernant l'article 14
118. Le Comité consultatif constate que
certaines tensions sont apparues en janvier 2002 autour de l'introduction de la
langue russe comme discipline obligatoire dans les écoles primaires moldaves et
de l'intention des autorités d'octroyer à cette langue un statut plus élevé. Le
Comité consultatif constate que la question linguistique demeure un
sujet sensible au sein de la société moldave et considère que,
afin d'éviter toute situation conflictuelle, toutes mesures envisagées dans ce
domaine doivent être prises avec une grande précaution. Le Comité consultatif considère
que les autorités devraient s'efforcer de fournir une réponse équilibrée aux
besoins linguistiques spécifiques de toutes les minorités nationales, sans
préjudice de l'apprentissage ou de l'enseignement de la langue d'Etat.
Concernant l'article 15
119. Le Comité consultatif constate que la
loi sur les personnes appartenant aux minorités nationales limite le domaine de
consultation des minorités nationales à la culture et à l'enseignement et considère
que le champ de ce dialogue devrait être élargi, en veillant en même temps à ce
que les consultations se réalisent aussi bien par le biais du Conseil de
coordination pour les minorités nationales que directement, avec chacune des
minorités nationales.
120. Le Comité consultatif constate
certaines difficultés quant à la participation effective des personnes
appartenant aux minorités nationales aux affaires publiques et à leur accès à
la fonction publique. Le Comité consultatif considère que les autorités
devraient examiner la situation avec les intéressés et veiller à ce que ces
personnes, notamment celles appartenant aux minorités nationales numériquement
moins importantes, bénéficient de toutes les opportunités de participation
effective à la vie politique du pays et au processus de prise des décisions. Le
Comité consultatif considère qu'une attention particulière devrait être
accordée, en prenant en considération leurs propres initiatives, à la
participation effective des Rom aux différents secteurs de la vie sociale.
121. Le Comité consultatif constate que
les représentants de la Gagaouzie ont fait état de leur mécontentement
vis-à-vis de la portée et du fonctionnement de l'autonomie gagaouze et encourage
les autorités moldaves à examiner la situation, en coopération avec les
intéressés, afin d'identifier les solutions les plus appropriées.
Concernant l'article 16
122. Le Comité consultatif constate qu'une
révision de l'organisation administrative-territoriale du pays est en cours en
Moldova et considère que les personnes concernées devraient être
consultées afin de s'assurer que les changements administratifs-territoriaux
envisagés ne porteront pas atteinte aux droits et libertés découlant de la
Convention-cadre.
V. REMARQUES CONCLUSIVES
123. Le Comité
consultatif estime que les remarques conclusives ci-dessous reflètent
l'essentiel du présent avis et que, de ce fait, elles pourraient servir de base
pour les conclusions et recommandations correspondantes qui seront adoptées par
le Comité des Ministres.
124. Concernant la mise en oeuvre de la
Convention-cadre, le Comité consultatif considère que la Moldova a fait des
efforts appréciables afin d'établir un cadre légal et institutionnel pour la
protection des minorités nationales. Le Comité consultatif note également la
préoccupation de la Moldova pour la mise en oeuvre de la Convention-cadre dans
la pratique, notamment dans les domaines de l'éducation et de la culture.
Néanmoins, un nombre d'insuffisances et de difficultés subsistent dans des
domaines comme l'accès aux médias, la participation aux affaires publiques,
l'usage des langues minoritaires, notamment lorsqu'il s'agit de personnes
appartenant à des minorités nationales désavantagées ou numériquement moins
importantes.
125. Le Comité consultatif note l'adoption, en
août 2001, d'une loi organique régissant la protection des minorités nationales
et considère que les changements législatifs requis pour la mise en oeuvre de
cette loi devraient être effectués sans retard, en consultation avec les
intéressés, afin d'assurer la cohérence de la législation moldave pertinente
pour ce domaine. Vu que la loi ci-dessus mentionnée prévoit un engagement
étatique substantiel en faveur de la langue russe, le Comité consultatif est
d'avis que, dans la mise en oeuvre de cette loi ainsi que de la nouvelle
législation afférente, les autorités moldaves devrait assurer une protection
appropriée des personnes appartenant à toutes les minorités nationales et de
leurs identités linguistiques et culturelles respectives, y compris de celles
qui sont désavantagées ou numériquement moins importantes.
126. S'agissant de la pratique, le Comité
consultatif note, tout en reconnaissant l'esprit de tolérance et de dialogue
interethnique présent dans la société moldave, que des tensions sont apparues
autour des mesures prises ou annoncées par le gouvernement dans le domaine
linguistique. Le Comité consultatif est d'avis que, afin d'apaiser les tensions
et pour éviter l'intolérance linguistique, une approche équilibrée s'impose
dans ce domaine. Il est essentiel, en vue de la préservation du dialogue
interethnique, que les intérêts légitimes de la majorité moldave ainsi que de
toutes les minorités nationales soient respectés.
127. Le Comité consultatif note l'existence d'une
division entre les médias de langue moldave et ceux de langue russe. De même,
il constate un important déséquilibre entre les différentes minorités
nationales, en ce qui concerne leur accès à et leur présence dans les médias.
Le Comité consultatif estime que les autorités devraient accorder un soutien
accru aux minorités nationales désavantagées dans ce domaine, notamment à la
minorité ukrainienne, afin d'assurer un équilibre en ce qui concerne l'accès à
et la présence dans les médias.
128. Le Comité consultatif est d'avis que, dans
la mise en oeuvre de la Convention-cadre dans le domaine de l'éducation, il est
essentiel qu'il y ait des consultations avec les intéressés sur toutes les
mesures envisagées, afin de pouvoir fournir une réponse équilibrée aux besoins
spécifiques des différentes minorités nationales et assurer leur accès
équitable aux ressources disponibles. Une attention spéciale devrait être
accordée aux minorités numériquement moins importantes et à celles qui ne
peuvent pas disposer du soutien d'un Etat-parent.
129. Malgré certaines initiatives récentes de la
part des autorités, le Comité consultatif est d'avis que la mise en oeuvre de
la Convention-cadre n'est pas totalement probante en ce qui concerne les Rom.
Le Comité consultatif est préoccupé par les graves difficultés
socio-économiques auxquelles se confrontent certains Rom, ainsi que par la
discrimination dont ils font l'objet dans certains domaines. Le Comité
consultatif estime qu'une action urgente de la part des autorités s'impose,
afin d'améliorer la situation de ces personnes et de favoriser leur réelle
intégration dans la société moldave.