Strasbourg, le 9 octobre 2000


Diffusion restreinte
CDL (2000) 84
français seulement

 

 

 

 

COMMISSION EUROPEENNE POUR LA DEMOCRATIE PAR LE DROIT

(COMMISSION DE VENISE)

 

 

 

Cour constitutionnelle

de la République de Slovénie

 

 

Décision no. U-I-204/00-6

du 14 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE DE SLOVÉNIE

COUR CONSTITUTIONNELLE

 

Numéro : U-I-204/00-6

Date : 14/9/2000

 

 

RÉSOLUTION

 

La Cour constitutionnelle, dans la procédure d’examen de l’initiative déposée par Robert Hlede, domicilié à Koper, lors de sa séance du 14 septembre 2000 a décidé  que :

 

L’initiative visant à engager une procédure de contrôle de la constitutionnalité des articles 2, 20, 90, 92 et 93 de la Loi sur les élections de l’Assemblée nationale (Journal officiel de la RS, no. 44/92 et 60/95) est refusée.

 

                                                    Motivation

 

                                                         A.

1. L’auteur de l’initiative conteste les articles 2, 20, 90, 91, 92 et 93 de la Loi sur les élections de l’Assemblée nationale (plus loin : ZVDZ) et le mode de scrutin proportionnel actuellement en vigueur car il ne serait pas conforme à la décision de la Cour constitutionnelle no. U-I-12/97 du 8.10.1998 (Journal officiel de la RS, no. 82/98 et OdIUS VII, 180) et aux résultats du référendum sur les modifications apportées à la Loi sur les élections de l’Assemblée nationale.

 

2. Dans l’initiative qu’il a déposée avant l’adoption de la Loi constitutionnelle sur les annexes apportées à l’article 80 de la Constitution de la République de Slovénie (Journal officiel de la RS, no. 66/2000 - ci-après : UZ80), il cite que le mode de scrutin slovène n’est pas conforme à la décision de la Cour constitutionnelle mentionnée. La décision de la Cour constitutionnelle aurait chargé l’Assemblée nationale d’adopter une nouvelle législation électorale qui légalisera la volonté des citoyens exprimée par référendum pour le mode de scrutin majoritaire, ce que l’Assemblée nationale n’a pas fait jusqu’au jour du dépôt de  cette initiative. Le possible échec de la tentative (alors déjà annoncée)  de  révision de la Constitution serait censé mener à la fixation de la date des élections selon le mode de scrutin actuel qui serait à tel point contestable qu’en tant qu’électeur il ne saurait pas s’il participe à des élections légales ou illégales. Ceci représenterait un empiètement des droits de citoyen et autres droits constitutionnels de l’auteur de l’initiative, fait  par lequel celui-ci a justifié son intérêt légal.

 

3. Après l’adoption de la loi UZ80, le requérant a complété son initiative et cité qu’il persistait dans cette action “indépendamment du fait (ou justement en raison de celui-ci) qu’entre temps il y ait eu révision de l’article 80 de la Constitution”. À l’invitation de la Cour constitutionnelle, il a complété l’initiative avec la mention supplémentaire que les articles contestés de la loi ZVDZ c’est-à-dire le mode de scrutin proportionnel était contraire au premier et au quatrième paragraphe de l’article 15, au deuxième paragraphe de l’article 43 et au premier paragraphe de l’article 90 de la Constitution, de même, les dispositions des articles 3 et 22 de la Constitution seraient également violées. Comme fondement de son intérêt légal il a invoqué en plus qu’il était, en tant que citoyen, concerné par le fait  que la loi soit respectée dans le pays où il vit. Le non respect des résultats du référendum, des décisions de la Cour constitutionnelle et la modification survenue des règles après coup étaient censées révéler de sérieux troubles dans la réalisation des principes de l’Etat de droit et des valeurs en découlant.

 

4. Il propose que la Cour constitutionnelle se prononce clairement sur la constitutionnalité de la loi ZVDZ c’est-à-dire sur le mode de scrutin proportionnel et sa conformité à la décision de la Cour constitutionnelle citée, et que les articles de la loi ZVDZ contestés soient abrogés. Dans le cas où la date des élections serait fixée selon la loi contestée et après l’abrogation des articles contestés de la loi ZVDZ, il propose que la Cour constitutionnelle suspende temporairement le déroulement des élections de l’Assemblée nationale jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi électorale.

 

 

                                                           B.

 

5. Selon le deuxième paragraphe de l’article 162 de la Constitution, toute personne peut présenter une initiative pour entamer une procédure devant la Cour constitutionnelle si elle démontre son intérêt légal. Selon la disposition de l’article 24 de la Loi sur la Cour constitutionnelle (Journal officiel de la RS, no. 15/94 - ci-après : ZUstS) l’intérêt légal est donné si le règlement contesté empiète directement sur les droits de l’auteur de l’initiative, son intérêt ou sa situation légale.

 

6. Dans le cas des règlements qui fixent la participation des citoyens à l’exécution du pouvoir, l’affirmation, unique, que  leurs dispositions individuelles ne sont pas conformes à la Constitution ne sera pas habituellement suffisante pour reconnaître l’intérêt légal de chaque citoyen, sauf s’il s’agit de dispositions qui détermineraient directement la situation légale d’un cercle restreint de personnes auquel l’auteur de l’initiative appartiendrait. Cependant, dans les cas où l’objet de la contestation sont des règlements qui règlent la situation de (chaque) citoyen dans l’exécution du pouvoir, la question de savoir quand il s’agit d’une atteinte directe à des situations de l’individu protégées par la loi apparaît sous une lumière particulière. Surtout lorsque les inconstitutionnalités affirmées de dispositions individuelles ou quand la loi elle-même dans sa totalité signifierait un empiètement si grave des droits des articles 3, 43, 44 et 90 de la Constitution que l’essence même de ces droits serait affectée, il faut reconnaître à chaque citoyen l’atteinte directe de sa situation (constitutionnelle)légale protégée, sans qu’il ait à justifier comment la réglementation contestée le touche précisément, concrètement et directement. La Constitution stipule qu’en Slovénie le pouvoir est entre les mains du peuple (deuxième paragraphe de l’article 3 de la Constitution). Selon cette disposition, les citoyens et les citoyennes exécutent le (leur) pouvoir directement, par les élections. Les élections sont donc le fondement du pouvoir démocratique en Slovénie qui est une république démocratique (article 1 de la Constitution) et un Etat de droit (article 2 de la Constitution). L’auteur de l’initiative cite expressément que l’institution d’un système électoral qui serait en totalité contraire à la Constitution enfreint son droit de vote garanti par la Constitution (article 43 de la Constitution). En plus de ce droit,  la loi ZVDZ existante quant à la particularité du cas (référendum effectué pour l’introduction du scrutin majoritaire à deux tours) entraînerait en plus la violation du droit mentionné dans l’article 90 de la Constitution (référendum législatif), droit dont le fondement se trouve aussi dans la disposition de l’article 3 de la Constitution. À partir de telles citations, il est impossible de demander à l’auteur de l’initiative des justifications supplémentaires pour savoir en quoi la réglementation contestée affecte précisément sa situation légale spécifique. À la vue de cela, la Cour constitutionnelle a reconnu à l’auteur de l’initiative son intérêt légal pour contester la loi ZVDZ.

 

7. L’auteur de l’initiative affirme la non conformité des dispositions contestées de la loi ZVDZ à la décision de la Cour constitutionnelle no. U-I-12/97 et par conséquent au premier paragraphe de l’article 90 de la Constitution, selon lequel l’Assemblée nationale est astreinte au résultat du référendum. Il est d’avis que cette non conformité n’a pas été non plus supprimée par l’adoption de la loi UZ80 par laquelle l’article 80 de la Constitution a été complété, puisque son adoption, contraire au résultat du référendum, signifierait une violation du premier paragraphe de l’article 90 de la Constitution, raison pour laquelle la loi UZ80 serait contraire aux principes de l’Etat de droit (article 2 de la Constitution).

 

8. Dans sa décision no. U-1-12/97, la Cour constitutionnelle a constaté à partir du Rapport de la Commission électorale nationale sur le résultat du référendum du 8.12.1996 concernant le mode de scrutin, que la proposition contenue dans la question posée à la demande de 43 710 électrices et électeurs a été votée (deuxième point du dispositif de la décision citée). Dans la motivation de la décision no. U-I-12/97, la Cour constitutionnelle a appelé l’Assemblée nationale  à adopter dans un délai raisonnable, conformément à l’article 90 de la Constitution et conformément à cette décision, une loi qui réglerait la question du mode de scrutin de la façon dictée par le résultat du référendum (point 51 de la motivation).

 

9. L’astreinte de l’Assemblée nationale à la décision contenant un tel dispositif a été définie par la Cour constitutionnelle non seulement comme politique et morale mais aussi juridique. Dans le traitement de la question de l’astreinte juridique du législateur à la décision de la Cour constitutionnelle, il faut, à côté du principe de la division des pouvoirs et donc de l’astreinte du parlement liée à la décision de la Cour constitutionnelle, tenir compte aussi de la hiérarchie des règles de Droit et du rapport entre les dispositions constitutionnelles et législatives. La décision de la Cour constitutionnelle qui se rapporte à la constatation du résultat du référendum législatif lie le parlement seulement comme législateur mais non comme organe constituant dans la révision de la Constitution. L’Assemblée nationale, en tant qu’organe constituant peut aussi, selon la procédure fixée par la Constitution, modifier cet acte juridique supérieur de l’Etat. L’Assemblée nationale, par la loi UZ80, a modifié l’organisation constitutionnelle du mode de scrutin. Elle a introduit le mode de scrutin selon le principe de la représentation proportionnelle avec un seuil de quatre pour cent et  en faisant valoir la demande pour une influence déterminante des électeurs dans la répartition des mandats aux candidats. Un tel système constitutionnel modifié a exigé aussi la détermination de l’exécution et l’assurance de la transition à l’application du système modifié. C’est ce que l’organe constituant a fait, aux termes du premier paragraphe de l’article 174 de la Constitution, avec les dispositions du premier paragraphe du point II de la loi UZ80. Par celles-ci, il a réglé la question de la transition au nouveau système constitutionnel. Ainsi, par la loi UZ80, le parlement a d’un côté modifié les dispositions de fond de la Constitution, de l’autre, il a fait valoir les dispositions nécessaires pour la réalisation des changements constitutionnels. Et, pour  juger une telle loi constitutionnelle, la Cour constitutionnelle n’est pas compétente (de même la Cour constitutionnelle dans sa résolution no. U-I-214/00 du 14.9.2000  ci-jointe).

 

10. Par l’adoption de la loi UZ80, l’astreinte légale de l’Assemblée nationale envers la décision de la Cour constitutionnelle a cessé. L’article 90 de la Constitution réglemente le référendum législatif et comme mentionné plus haut, l’Assemblée nationale est astreinte au résultat du référendum législatif en tant qu’organe législatif, alors que le référendum réalisé ne le lie pas en tant qu’organe constituant. Le référendum existe aussi dans la procédure de révision constitutionnelle, mais il s’agit seulement du référendum dit de ratification. En effet, selon la disposition de l’article 170 de la Constitution, l’Assemblée nationale doit présenter la révision de la Constitution proposée à l’acception des électeurs par un référendum si cela est demandé par au moins 30 députés. Découlant de ces dispositions, il est évident que pour une révision de la Constitution, l’Assemblée nationale n’est pas astreinte au référendum législatif préalable. Et ceci est aussi compréhensible puisque la Constitution exige un quorum déterminé pour le référendum de ratification par lequel les électeurs décident de l’adoption de révisions constitutionnelles. D’après la disposition du deuxième paragraphe de l’article 170, une révision de la Constitution par référendum est adoptée si elle obtient le vote de la majorité des électeurs qui ont participé au vote à condition que la majorité de tous les électeurs participent au scrutin.

 

11. L’initiative étant de toute évidence sans fondement, il fallait la refuser. La Cour constitutionnelle ayant refusé l’initiative, elle ne s’est pas prononcée sur la proposition de suspension temporaire.

 

                                                          

                                                           C.

 

12. La Cour constitutionnelle a adopté cette résolution sur la base du second paragraphe de l’article 26 de la loi ZUstS et du premier alinéa de l’article 52 du Règlement de la Cour constitutionnelle de la République de Slovénie  (Journal officiel RS, no. 49/98) dans sa composition : le président Franc Testen et les juges dr. Janez Čebulj, dr. Miroslava Geč-Korošec, Lojze Janko, Milojka Modrijan, dr. Mirjam Škrk, dr. Lojze Ude, dr. Dragica Wedam-Lukić. La résolution a été prise à l’unanimité. Des opinions individuelles convergentes ont été données par les juges Čebulj et Testen.

 

 

                                                                       Le Président

                                                                       Franc Testen